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tation irraisonnée en temps de paix : les Djebaliens abîment les beaux chênes-lièges, chênes verts, cèdres, frènes, noyers, pins, etc., qui peuplent les massifs forestiers. Les ressources variées des Djebala ont développé les industries à domicile et chaque maison est un atelier: tissage, tannerie, forge, huilerie, séchage des fruits, fabrication du miel, gelée de raisin (çamet) etc. sont les principales branches en honneur dans le pays. Parmi les centres industriels les plus réputés, il faut citer Ouezzan (16.000 habitants) la ville sainte des « Chorfa »>, égalemert renommée pour ses laines et ses tissus teints avec des couleurs naturelles, sa poudre et son kif; puis Chechaouen, à 620 mètres d'altitude, qui travaille les armes, les cuirs et les bois d'ébénisterie. L'élevage, également très développé dans la montagne, trouve d'excellents pâturages qui semblent nourrir une bonne race laitière dont le lait est transformé en fromages estimés sur les « souqs» de Tanger. Les tribus du Habt pratiquent beaucoup l'élevage du mouton et de la chèvre en association avec les Khlot, les Beni Malek et les Sofyan. Elles s'associent aussi pour la culture avec les Khlot et les Tliq (1).

COMMERCE ET VOIES DE PASSAGE

Dans ce pays orné « de forêts profondes, d'eaux jaillissantes et de verdure éternelle » le commerce est essentiellement indigène, faute de pénétration européenne. Les marchandises d'Europe dont le marocain a besoin (sucres, cotonnades, thés, bougies) arrivent par Larache (12.700 habitants) et Tanger qui ont détrôné Arzila, petite bourgade de 2.000 habitants à demi-ruinée. Les céréales, les œufs, les volailles, les peaux, les laines, les raisins et les objets travaillés dans les Djebala sont vendus en retour dans ces mêmes villes. Le grand port de la région est celui de Larache situé sur l'emplacement de l'antique Lixus. Il était autrefois très actif; « mais ses transactions ont notablement diminué, par suite de l'ensablement de l'embouchure du fleuve, et à cause de la barre

(1) E. Michaux-Bellaire, Quelques tribus de montagnes et de la région du Habt (Archives marocaines, XVII, p. 1 à 230).

qui est très dangereuse et qui rend très irrégulières les communications avec la terre. La plupart des marchandises débarquées à Larache ne font que transiter à destination de Ksar el Kebir, d'Ouezzan, de Fez et de Meknès » (1). Aussi, malgré les efforts 1- Espagne pour développer Larache, est-il à croire que le

de

port français de Kénitra se supplantera à elle dans un avenir peu éloigné comme débouché du bassin du Sebou. Ksar el Kebir (11.500 habitants) tire son importance de sa situation au croisement des routes de Larache, de Tanger et de Fès. La laine, les peaux de chèvres et de bœufs, le blé et l'orge constituent ses Principaux articles d'exportation. La construction du chemin de fer de Tanger à Fès, lorsqu'elle sera terminée, l'avantagera beaucoup. D'ailleurs toute la vallée du Loukkos est appelée à un avenir certain. Dans le passé déjà, elle fut une voie de passage importante. On sait que le Lixus retint l'attention des navigateurs carthaginois avant que les Romains ne songeassent à établir leurs postes militaires dans la plaine du Gharb, et que de tout temps les routes qui mettaient Tanger en relations avec le Maroc Central et Méridional ont passé par les Djebala. La fameuse « route des Ambassades » de Tanger à Fès, encore suivie de nos jours, longe le pied de la montagne, et traverse El Ksar el Kebir, à l'issue d'un col, où elle se branche sur la route Larache-Fès. Demain le chemin de fer Tanger-Fès, ouvrira au progrès cette dernière parcelle du « Maroc Inconnu », et drainera, dans le grand port du Détroit, tout le trafic des régions voisines. Ce sera alors l'heure de Tanger.

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La zone de Tanger compte 275 kilomètres carrés et une population approximative de 72.000 habitants. C'est le Fahs qui se compose de quatre groupes de hauteurs (2): 1o) la chaîne du Djebel el Kebir qui s'étend de Tanger au Cap Spartel et dont le plus haut sommet ne dépasse pas 330 mètres; 2°) le groupe

(1) Gauthronet. Tanger, page 124.

(2) Mme C. du Gast. Le Maroc agricole, page 16.

des collines Djebila, Adjerine, etc. sises au sud du Djebel el Kebir; 3o) le massif montagneux bizarrement découpé, de Sidi Hassein et d'Aïn Dahlia; 4°) des chaines de collines d'une altitude de 80 mètres, qui se détachent de l'Andjera. Entre ces différents groupes de hauteurs s'étendent des plaines parcourues par de nombreux oueds, dont les principaux sont l'oued Charf, l'oued Maharhar et l'oued el Hachef, sans intérêt spécial.

Au point de vue géologique, la région de Tanger se trouve sur une ramification de la chaîne alpine qui, traversant primitivement l'emplacement actuel du détroit de Gibraltar, unissait le Rif à la Cordillère Bétique. Les terrains se rapportent à trois âges différents et comprennent des grès siliceux qui forment le Djebel el Kebir, des grès calcaires sur la côte atlantique qui, érodés, donnent naissance à des grottes, enfin, des sables dunaires qui encadrent la baie de Tanger. Cette constitution géologique du plateau a fixé les conditions de l'exploitation économique. Là où le grès émerge, pas de végétation ni de culture autre que le lentisque, la bruyère et le palmier nain; là où l'humus a pu se former, les pâturages abondent et les céréales, le maïs et le sorgho viennent admirablement, tandis que la côte atlantique, sablonneuse et marécageuse, n'offre pas grand avenir. Les habitants y vivent de la pêche, extraient du sel, exploitent quelques carrières de pierres meulières (Achaggar) ou chassent le sanglier dans les boisements forestiers de 1'0. Tahaddart.

Le climat du Fahs est très sain et tempéré, grâce au voisinage du Gulf Stream. La température moyenne de l'année y serait de 17o4, s'élevant à 30° en juillet-août et s'abaissant à 7o en décembre-janvier (1). La quantité de pluie tombée représente une couche d'eau de 89 centimètres d'épaisseur et le nombre des jours pluvieux est de 106, se succédant surtout d'octobre à mars. Tanger doit en outre au détroit de Gibraltar de bénéficier d'un continuel courant d'air; les vents d'Est, connus

(1) Les minima ne descendent pas au-dessous de 20 et 3°; les maxima s'élèvent à 360 et 38°.

sous le nom de Levante, y sont particulièrement forts et fréquents. Cet inconvénient n'empêche pas les indigènes, ni les Européens d'apprécier les charmes de Tanger. L'attrait

ville

que

la

exerce sur les Rifains a même donné une physionomie

particulière au Fahs qui est devenu « le déversoir séculaire du

Rif

>>. Aussi le Fahs constitue-t-il un modèle de tribu com

posite. Quant aux Européens, ils sont attirés par les avantages que doit leur procurer Tanger ville de 54.000 habitants (1).

sur

sera

Non seulement la beauté de son site, la magnificence de ses horizons et la splendeur de son climat en feront une « Monaco africaine », mais elle devra surtout sa prospérité à sa situation comme gardienne de la Méditerranée, à cheval géographique, deux mers extrêmement fréquentées et comme porte du Maroc. « Tanger, écrit Elisée Reclus, ayant derrière elle toute l'Afrique, autant qu'Alger et que Tunis, et régnant en plus sur deux mers, pourra aspirer au rang de ville mondiale ; elle occupe évidemment un lieu souverain ». Mais indépendamment de sa situation sur la carte du monde, Tanger peut et doit jouer un rôle essentiel vis-à-vis du Maroc français dont elle une des clefs comme Casablanca et Agadir. Tandis que l'escale de Gibraltar, si dénuée de ressources de toutes sortes et devenue à peu près exclusivement port de guerre, se ferme de plus en plus au commerce, le port de Tanger, lorsqu'il sera réalisé et convenablement outillé, recevra les courriers du Maroc comme les grands paquebots des lignes d'Orient. Ils y relâcheront tous lorsqu'ils seront assurés d'y trouver les moyens de se ravitailler en eau et en charbon, sans parler du fret qui leur sera apporté en abondance par le Tanger-Fès, chemin de fer actuellement en construction. En outre du climat, de la position géographique, du port et du chemin de fer, un dernier élément influencera l'avenir de Tanger, aujourd'hui politiquement placé sous un « régime spécial ». L'internationalisation, un moment envisagée, serait une formule chimérique néfaste à Tanger et à la France. Comme l'a dit M. W. B. Harris, il faut, dans l'intérêt qu'attache la France à la consolidation

(1) Dont 12.000 Européens sur lesquels 3.000 Français.

de son empire de l'Afrique du Nord, « la suprématie française sur la ville qui, entre les mains des Français, deviendra la porte du Maroc ». Il faut dire que notre situation y est déjà de tout premier ordre la France tient, haut la main, avec 44 0/0 du commerce général, la tête du mouvement économique, suivie de très loin par l'Angleterre (190/0) et par l'Espagne (11 1/2 0/0). La propriété immobilière urbaine est pour 75 0/0 en des mains françaises et sur six grandes banques cinq sont également françaises. Tous les services publics ou concédés sont de direction. française; sur rade notre pavillon tient la première place et notre langue répandue par nos journaux devient la langue courante du commerce. Bref Tanger se montre française avant que le traité de paix le dise au monde. Cette formule équitable et logique s'impose (1).

(1) On lira avec beaucoup d'intérêt les articles de M. Rober-Raynaud, champion de la cause française dans le Bulletin du Comité de l'Afrique Française, notamment dans le numéro de décembre 1918, supplément p. 234-239.

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