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CHAPITRE II.

RÉFORME PÉNALE.

Les peines sèment la guerre et la haine,
Soyez donc pleins de miséricorde, comme votre
père est plein de miséricorde.

Je veux la miséricorde et non point le sacrifice.
ÉVANGILE.

L'expérience a fait remarquer que dans les pays où les peines sont douces, l'esprit du citoyen en est frappé, comme il l'est ailleurs par les grandes.

Après l'expulsion des décemvirs, presque toutes les lois qui avaient fixé les peines furent ôtées. On ne les abrogea pas expressément, mais la loi Porcia ayant défendu de mettre à mort un citoyen romain, elles n'eurent plus d'application. On ne remarqua pas que la République en fût plus mal réglée, et il n'en résulta aucune lésion de police.

Jamais peuple n'a plus aimé la modération des peines. Que si l'on ajoute à la douceur des peines, le droit qu'avait un accusé de se retirer avant le jugement, on verra bien que les Romains avaient suivi cet esprit que j'ai dit être naturel à la République.

Il ne faut point mener les hommes par les voies extrêmes on doit ménager les moyens que la nature nous donne pour les conduire.

La cause de tous les relâchements vient de l'impunité des crimes et non pas de la modération des peines.

Les peines ont diminué, ont augmenté à mesure qu'on s'est plus approché, plus éloigné de la liberté. Nos pères les Germains n'admettaient guère que des peines pécuniaires.

MONTESQUIEU. Esprit des Lois.

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L'INSCRIPTION DE VIE, ou Police d'assurance générale et spéciale, qui est à l'impôt, converti en assurance, ce que l'essieu est à la roue, ce que le gond est à la porte, est l'axe sur lequel devra tourner la société.

L'INSCRIPTION DE VIE, l'inscription individuelle et universelle, n'a pas seulement pour objet la perception de l'impôt forcé transformé en prime volontaire; l'INSCRIPTION DE VIE a encore un autre effet, c'est de donner le moyen d'abolir toutes les peines afflictives : Peine de mort.

Travaux forcés à perpétuité.

Déportation.

Travaux forcés à temps.

Détention.

Reclusion.

II.

La pénalité est d'origine servile. A Rome, le citoyen libre qui avait encouru la sévérité de la loi était déclaré ESCLAVE DE LA PEINE, servum ponӕ.

Cet esclavage mérité avait pour but et pour effet de le dépouiller de son inviolabilité.

L'esclave pouvait être condamné aux pénalités les plus sévères et aux supplices les plus cruels.

Déclarer le citoyen libre esclave de la peine, fut le moyen de lui appliquer les peines serviles.

En France, pendant longtemps, on dégrada le noble afin de pouvoir le punir.

Plus tard, on ennoblit certaines peines, de manière à les rendre applicables au noble.

« La peine est infamante ou non infamante. Ce n'est pas le crime, pas même la condamnation : c'est le genre de peine ou le mode de son exécution qui comportent l'infamie... Le fouet donné par le bourreau est infamant; par le geôlier, sous la custode, il ne l'est pas... En France, le fouet sous la custode est seul applicable aux nobles. »

ORTOLAN.

L'assimilation du noble au serf, dans la pénalité, s'opère ainsi progressivement.

Le noble et le serf reproduisent les mêmes phénomènes dont le citoyen romain et l'esclave ont donné le spectacle.

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« Sera puni selon la qualité des personnes : cette formule est de style dans les lois criminelles de tous les États européens. Selon que le coupable est de vile ou de noble condition, la condamnation varie. >>

ORTOLAN.

Après la révolution de 1789, l'une des premières réformes entreprises fut celle de la législation pénale.

« Chaque révolution politique amène ordinairement sa législation pénale. » ORTOLAN.

Montesquieu a dit :

« Il serait aisé de prouver que dans tous ou presque dans tous les États de l'Europe, les peines ont diminué ou augmenté à mesure qu'on s'est plus rapproché ou plus éloigné de la liberté. »

En effet, lorsque l'on remonte assez haut dans l'antiquité, nulle trace de pénalité autre que la satisfaction volontaire n'y apparaît.

« L'âge primitif est un àge de simplicité et d'ignorance sous le rapport de la civilisation matérielle; mais c'est en même temps un âge d'innocence et de connaissance des vérités religieuses transmises par la tradition.

« Le droit de punir n'est pas encore une institution sociale, c'est une vengeance particulière. »

ALBERT DU BOYs. Histoire du droit criminel.

A la vengeance se substitue la composition (dommages-intérêts). Le coupable veut racheter son crime : l'offensé y consent. La coutume intervient, sanctionne et fait de l'usage une règle obligatoire : telle est la justice criminelle des temps primitifs.

« A cette époque, sur toutes les parties de l'Europe où s'étend cette barbarie, on trouve pour point de départ de la pénalité la vengeance privée... Plus tard, le caractère cupide du barbare fait naître une habitude nouvelle, celle du rachat de la vengeance... La coutume la change en règle... C'est là ce qu'on nomme COMPOSITION. »

ORTOLAN. Introduction historique au droit pénal.

<< Des hommes d'une science et d'un esprit rares ont été très-frappés, non-seulement du respect pour la personne et la liberté de l'homme qui paraît dans ce genre de peine (la composition), mais de plusieurs autres caractères qu'il ont cru y reconnaître... Quel est, dès qu'on considère les choses sous un point de vue élevé et moral, quel est le vice radical des législations pénales modernes? Elles frappent, elles punissent sans s'inquiéter de savoir si le coupable accède ou non à la volonté de la loi ; elles agissent uniquement par voie de contrainte... La composition suppose, entraîne l'aveu du fait par l'offenseur; elle est de sa part un acte de liberté, il peut s'y refuser... En sorte que la composition a comme peine des caractères beaucoup plus moraux que les châtiments de législations plus savantes.

« La loi salique semble porter à la personne et à la liberté des hommes un singulier respect... L'unique peine écrite, à vrai dire, dans la loi salique, est la COMPOSITION, wehrgeld, wedrigeld (argent de défense, garantie)... La composition est le premier pas de la législation criminelle hors du régime de la vengeance personnelle; le droit cache sous cette peine le droit qui subsiste au fond de la loi salique et de toutes les lois barbares, c'est le droit de chaque homme de se faire justice soi-même, de se venger par la force; c'est la guerre entre l'offenseur et l'offensé. La composition est une tentative pour substituer un régime légal à la guerre. C'est la fa

culté donnée à l'offenseur de se mettre, en payant une certaine somme, à l'abri de la vengeance de l'offensé. Elle impose à l'offensé l'obligation de renoncer à l'emploi de la force...

« L'offensé a eu longtemps le droit de choisir entre la composition et la guerre, de repousser le wehrgeld et de recourir à la vengeance... La composition ne fut d'abord qu'un essai assez peu efficace pour mettre fin à la lutte désordonnée des forces individuelles... Au début, il n'existe entre les hommes que des inégalités peu variées et peu puissantes... Il n'y a point non plus ou presque point de puissance publique. Les hommes ne sont donc fortement gouvernés, ni par d'autres hommes, ni par la société ; leur liberté est réelle; chacun fait à peu près ce qu'il veut, selon sa force, à ses risques et périls... L'inégalité se prononce entre les hommes... Une force collective s'élève... Naissent, d'un côté, l'aristocratie; de l'autre, le gouvernement, c'est-à-dire deux modes de répression des volontés individuelles, deux moyens de soumettre beaucoup d'hommes à une autre volonté que la leur.

« A leur tour, les remèdes deviennent des maux : l'aristocratie opprime, la puissance publique opprime, l'oppression amène un désordre différent du premier, mais profond et intolérable. Cependant, au sein de la vie sociale, par le seul effet de sa durée, par le concours d'une multitude d'influences, les individus, seuls êtres réels, se sont développés, éclairés, perfectionnés.

« Alors, de même qu'il y avait eu effort pour la création de la défense publique et au profit de l'inégalité entre les hommes, de même un effort commence vers un but contraire, vers la réduction de l'aristocratie et du gouvernement, c'est-à-dire que la société tend vers un état qui, extérieurement du moins, et à n'en juger que sous ce rapport, ressemble à ce qu'elle était dans son premier âge, à un libre développement des volontés individuelles, à cette situation où chaque homme fait ce qu'il veut, à ses risques et périls.

<< La composition pécuniaire suppose, entraîne l'aveu du tort par l'offenseur; elle est de sa part un acte de liberté; il peut s'y refuser et courir les chances de la vengeance de l'offensé; quand il s'y soumet, il se reconnaît coupable et offre la réparation du crime. De son côté, l'offensé, en acceptant la composition, se réconcilie avec l'offenseur : il promet solennellement l'oubli, l'abandon de la vengeance; en sorte que la composition a comme peine des caractères beaucoup plus moraux que les châtiments de législations plus savantes.

<< Si la liberté a péri à l'entrée de la carrière sociale, c'est que l'homme n'a pas été capable d'y avancer en la gardant; qu'il la reprenne et

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