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Dieu l'égale de l'homme (*), dès qu'elle jouit de la même liberté que lui, et que la paix, se substituant à la guerre, est devenue l'état normal de la société.

LES ENFANTS SONT ÉGAUX DEVANT LA MÈRE : oui ou non, ce principe qui a pour conséquence la liberté dans le mariage, est-il incontestablement juste?

Oui ou non, est-il moins incontestablement juste que ce priucipe qui a prévalu et qui ne trouve plus parmi nous de contradicteurs LES FRANÇAIS SONT ÉGAUX DEVANT LA LOI?

Ou le principe quej'ai énoncé est vrai ou il est faux, ou il est contestable ou il ne l'est pas.

S'il est contestable, qu'on le conteste!

S'il est faux, qu'on le démontre!

S'il est vrai, qu'on le reconnaisse!

Mais s'il est vrai, de quel droit l'empêcherait-on de porter toutes ses justes conséquences, quelles qu'elles puissent être? Les écarts seuls en devraient être prévenus ou réprimés.

L'hypothèse est une manière idéale de se transporter dans la réalité et de suppléer l'expérience. Par l'hypothèse, je vais donc passer successivement en revue les conséquences sociales qu'entraînerait l'adoption du principe que je déclare souverainement vrai, souverainement juste, souverainement bon, souverainement moral, souverainement pacifique, souverainement civilisateur.

La première de ces conséquences, j'ai hâte d'en convenir, est de rayer la célébration du mariage du nombre des actes dans lesquels l'État s'est arrogé le droit d'intervenir.

La célébration du mariage n'aurait jamais dù cesser d'être un acte purement et exclusivement religieux.

(*) En J.-C. il n'y a pas de distinction entre l'homme et la femme. SAINT PAUL aux Galates, ch. 11. 28.

Le mariage est un acte de la foi, non de la loi (4). C'est à la foi (5) à le régir; ce n'est pas à la loi à le régler.

Dès que la loi intervient, elle intervient sans droit (6), sans nécessité, sans utilité.

Pour un abus qu'elle a la prétention d'écarter, elle en fait naitre d'innombrables qui sont pires, et dont, ensuite, la société souffre gravement sans se rendre compte de la cause qui les a produits.

C'est ce qu'il me sera facile de démontrer, lorsque je répondrai aux objections que je pressens et à celles que je provoque.

Mais avant de herser le champ des objections, il convient de défricher le champ des hypothèses.

II

Je suppose diverses jeunes filles, nées dans les conditions les plus diverses et toutes parvenues à l'âge nubile.

Valentine est douée de tous les dons de l'éducation, de l'esprit, de la jeunesse et de la fortune. Elle peut choisir un mari à son gré. Elle n'a que l'embarras du choix. Elle est catholique. Elle plaît à Lucien, pareillement doué de tous les dous de l'éducation, de l'esprit, de la jeunesse et de la fortune; mais il est protestant; Lucien insiste pour épouser Valentine. Elle le refuse, et ce refus est fondé sur ce que le protestantisme, accueillant le divorce que repousse le catholicisme, aucun mariage ne saurait avoir lieu entre deux personnes appartenant à des religions dont l'une le proclame un acte indissoluble, tandis que l'autre admet que c'est un nœud qui peut se dénouer. En effet, il n'y aurait pas eu pour Valentine garanties suffisantes et égalité de conditions réciproques. Lucien est donc écarté. Roger se présente. Valentine

l'écarte aussi. Pourquoi? Roger lui déplairait-il? Non; au contraire, il lui plait; il est beau, il est riche, mais Valentine, éclairée par les conseils et l'expérience de sa mère, a entrevu dans l'indiscipline des opinions de Roger, en matière de foi religieuse et d'opinion publique, que ce seraient là deux freins qui le retiendraient peu le jour où il trouverait trop pesante ou trop courte la chaîne du mariage et où il serait tenté de la rompre, trop heureux de recouvrer sa liberté au prix de l'abandon de la perte du douaire par lui constitué à Valentine par acte authentique, si considérable que fût ce douaire. Roger n'est point accueilli. Valentine lui préfère Édouard. A-t-elle tort? a-t-elle raison? C'est ce qu'apprendra l'avenir. L'acte constitutif du douaire (7) a été dressé devant notaires; le mariage a été célébré par le prêtre; il est consommé; Valentine est l'épouse d'Édouard. Entre ce qui avait lieu sous le régime qu'il est question de réformer et ce qui vient de se passer hypothétiquement, nul autre changement, si ce n'est que Valentine conserve le nom de sa mère et que ce nom est celui qu'elle transmet à ses enfants. Je suppose que Valentine ne se soit pas trompée dans son choix; je suppose Valentinemère de trois enfants; ils savent qu'ils n'ont de droit que sur les biens de leur mère, après sa mort, et que la fortune de leur père ne leur reviendra que s'il la leur donneexpressément par un acte spontané de sa libre volonté; ils n'y comptent donc que très-éventuellement et dans une certaine mesure; comptant moins sur lui, ils comptent plus sur eux. Loin d'être un mal, ce sera un bien; ce sera un stimulant et un progrès. Maintenant, je suppose que Valentine ait été la victime d'une illusion. Édouard ne possédait aucune des qualités qu'elle lui supposait. Ce qui paraissait vertu en lui n'était qu'inexpérience; ce qui paraissait douceur n'était que faiblesse de caractère. Perverti par de funestes influences, il ne tarde pas à tomber dans tous les excès d'une vie dissipée et dissolue. Que fait Valentine? Si Valentine est véritablement et sincèrement

catholique, sa conduite est tracée par sa foi; alors même qu'elle a cessé d'aimer et d'honorer son mari, elle lui est encore fidèle, pour n'être pas infidèle à l'Église (8). Puisant à la source vive, pure et intarissable de la maternité des forces et des qualités nouvelles, elle se consacre à l'éducation des enfants qui portent son nom et dont elle répond devant la société. Elle y met son honneur et son bonheur. Les trois meilleurs rois de France ont été élevés par des femmes, par leurs mères: saint Louis, par Blanche de Castille; Louis XII, par Marie de Clèves; Henri IV, par Jeanne d'Albret.

Ainsi par la maternité la femme se relève et s'élève. Elle n'est plus irresponsable et désœuvrée. Elle tient dans ses mains, elle le sait, l'œuvre de l'avenir et elle en répond. La trame qu'elle ourdit est celle de l'humanité. La fonction qu'elle accomplit est la plus haute, la plus noble, la plus difficile de toutes les fonctions. En est-il, en effet, de plus difficile, de plus noble et de plus haute que celle de concevoir un enfant, de le porter neuf mois dans ses entrailles, de lui donner la vie au risque de perdre la sienne, de l'allaiter pendant plus d'une année (*), de l'élever, de l'instruire, de discerner ses qualités, de reconnaître ses défauts, de former son caractère, son cœur et son esprit? Pour changer les destinées d'un peuple il suffit souvent d'un progrès entrepris et accompli par un homme. Toute mère, dans son légitime orgueil, peut espérer de donner le jour à un tel homme. Toute mère peut espérer d'être illustrée par son fils. Est-ce que toute mère chrétienne et croyante n'a pas devant elle un puissant exemple qui doit l'encourager : l'exemple de Marie, la mère de Jésus? Contre un pareil exemple donnant si pleinement raison à ce principe nouveau que je viens opposer au principe ancien, que pourra

(*) Raphaël eut pour nourrice sa mère Élisabeth Ciarla.

Toutes les Germaines nourrissaient elles-mêmes leurs enfants.

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