Images de page
PDF
ePub

LIVRE PREMIER.

L'ASSURANCE UNIVERSELLE.

Que les hommes soient égaux ou non, ils doivent se traiter comme s'ils l'étaient; car s'ils sont inégaux, ils entreront en lutte, et comme elle ne peut pas toujours durer, dans le traité de paix qui suivra, ils seront bien obligés de se regarder comme égaux. HOBBES.

Les assurances enlèvent au malheur sa funeste puissance en divisant ses effets.

Par les assurances, les entreprises les plus hardies n'offrent que très-peu de dangers, les plus terribles fléaux perdent de leur horreur.

Rossi.

La politique universelle, telle que je la conçois, c'est l'assurance universelle.

A chacun sa tâche :

Aux prêtres catholiques d'enseigner et de démontrer l'existence de la Trinité, du péché originel, de l'éternité des peines, du purgatoire, de la transsubstantiation, de la consubstantialité du verbe, de l'infaillibilité des conciles œcuméniques, des sept sacrements; savoir le baptême, la confession, la pénitence, la communion, la confirmation, le mariage, l'extrême-onction;

:

Aux ministres protestants d'enseigner et de démontrer que la lutte extérieure, le sacrifice de la messe, les indulgences, le purgatoire, les images, la hiérarchie de l'église sont des erreurs et qu'il n'existe et ne doit exister que deux sacrements: le baptême et la cène;

Aux ministres luthériens d'enseigner et de démontrer que dans l'Eucharistie, il n'y a point, après la consécration, de changement d'une substance en une autre ; que J.-C. y est réellement présent, mais qu'alors il n'y a plus ni pain ni vin;

Aux ministres calvinistes d'enseigner et de démontrer la non existence de la présence réelle, attendu que J.-C. n'est réellement et substantiellement que dans le Ciel;

Aux théologiens de se mettre d'accord sur les questions de savoir si la mère est immaculée, si le verbe est engendré, semblable ou consubstantiel à son créateur, si la grâce est efficace, versatile, nécessitante, coopérante, concomitante et congrue;

Aux ministres du culte israélite, aux rabbins d'enseigner et de démontrer qu'il y a un Dieu créateur de tous les êtres, qui peut subsister sans aucune partie de l'univers, mais sans lequel rien ne peut subsister; que Dieu est un, indivisible, mais d'une unité différente de toutes les unités; que Dieu est incorporel; qu'il n'a aucune qualité corporelle possible et qui se puisse imaginer ; qu'on doit adorer et servir Dieu seul, sans médiation ni intermédiaire; que la loi laissée par Moïse est toute de Dieu et ne renferme pas une syllabe qui soit purement de Moïse; que cette loi est immuable et qu'on ne peut rien y ajouter, rien en retrancher; qu'il viendra un Messie et que, bien qu'il tarde à venir, il ne faut pas douter de sa venue, à la quelle on ne doit assigner aucune époque, aucune limite dans le temps; que tous les morts ressusciteront à la fin des siècles et que Dieu portera un jugement universel sur tous les humains en corps et en âme;

Aux ministres de l'islamisme, muftis et imans, d'enseigner et de démontrer l'unité de Dieu, son éternité, son indivisibilité; la mission de Mahomet à qui l'ange Gabriel a révélé les préceptes de la loi renfermés dans le Coran; l'existence des anges, des prophètes, la prédestination absolue pour le bien et pour le mal, la résurrection au jour du jugement, l'existence du paradis où l'âme jouira de toutes les félicités spirituelles et le corps de toutes les voluptés sensuelles; Aux philosophes de toutes les écoles d'enseigner et de démon

trer le contraire de ce qu'enseignent et démontrent les ministres de tous les cultes;

Plus étroite est la tâche que je me suis assignée.

Je suppose, je veux supposer :

Que Dieu n'existe pas, ou que, s'il existe, il est impossible à l'homme d'en démontrer l'existence.

Que le monde existe par lui-même et par lui seul;

Que l'homme n'a aucune faute originelle à racheter;

Qu'il porte avec lui la mémoire et la raison comme la flamme porte avec elle la chaleur et la clarté;

Qu'il ne revit que dans l'enfant qu'il procrée ;

Qu'il est un animal doué de facultés qui lui sont propres ou qu'il possède en germe et en développement à un plus haut degré que les autres êtres du même règne;

Qu'il ne doit donc pas s'attendre à recevoir, dans une vie future, la récompense ou le châtiment de sa conduite dans la vie présente ; Que le bien et le mal n'existent pas absolument par eux-mêmes, qu'ils n'existent que nominalement, relativement et arbitrairement ; Qu'il n'existe absolument que des risques, contre lesquels l'homme, obéissant à la loi de conservation qui est en lui, et commandant à la matière, cherche à s'assurer par tous les moyens dont il dispose.

Les moyens qu'il emploie ont changé et changeront encore; mais le but est resté constamment le même.

Qu'appelle-t-on le bien ?

Qu'appelle-t-on le mal?

Si le meurtre s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la guerre ?

Si le vol s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la conquête ?

Si la privation de la liberté s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à l'esclavage?

Si la duplicité s'appelle le mal, quel nom doit-on donner à la diplomatie?

« PrécédentContinuer »