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la force publique ne se recrute pas el ne s'entretient pas toute seule ; la voie publique a besoin qu'on la trace et qu'on la répare; la dette publique, enfin, exige des recettes égales aux payements semestriels, toutes choses qui supposent une Administration publique.

R. Sans doute, mais administrer la chose qui est commune ce n'est pas gouverner l'homme qui est libre. C'est le contraire. Car la chose commune n'a de raison d'être qu'autant qu'elle est la garantie de la liberté réciproque. C'est afin de conserver sa liberté entière et non pour qu'on la lui ravisse ou qu'on la lui restreigne que chacun aliène, sous le nom d'impôt ou d'assurance, une part de son revenu ou de son salaire. On paye pour être plus libre et non pour l'être moins. On met en commun une somme proportionnelle d'argent pour s'assurer contre certains risques, entretenir une armée, une marine, une justice, voire même une police, acquérir la facilité et la sécurité de circulation, mais on ne met en commun sa personne à aucun titre, et pour l'exposer à des risques aussi grands ou plus grands que ceux qu'elle courrait si ce qu'on a l'usage d'appeler un gouvernement n'existait pas.

D. Définissez donc plus sommairement ce que vous entendez par l'Administration publique.

R. J'entends par l'Administration publique l'administration exclusive de ce qui est exclusivement collectif, de ce qui est véritablement et matériellement la chose publique. L'Administration publique ainsi réduite à l'administration de la chose publique, si l'administrateur, quel qu'il soit et quelque nom qu'il porte, est peu habile, la prime que j'aurai à payer sous le nom d'impôt ou d'assurance sera plus forte relativement au risque, ou le risque sera moins certainement garanti relativement à la prime, mais voilà tout; cette inhabileté se traduira en chiffres ; ce sera une question d'argent en plus ou en moins, et non une question de liberté en moins ou en plus. Qui voudra payer peu n'aura qu'à réfléchir beaucoup avant d'élire l'Administrateur commun de la chose commune. Je comprends enfin l'administration d'un État, comme je comprends l'administration d'un

chemin de fer à l'exploitation duquel on est intéressé pour une action et où l'on ne peut perdre au plus que sa mise sociale. Le risque de voir son argent gaspillé doit être le seul risque qu'on ait à craindre et à courir.

D. Mais à qui confierez-vous l'Administration publique de la chose publique ?

R. A un administrateur élu chaque année par l'universalité des intéressés, à la majorité des voix, contrôlé par une Commission nationale de surveillance composée de onze membres élus par la majoritéde la minorité défiante, et toujours révocable. Chaque électeur n'écrivant qu'un nom sur son bulletin. Le premier nom sortant de l'urne désignant l'Administrateur élu par la majorité. Les onze noms qui ont ensuite le plus grand nombre de voix désignant les onze membres de la Commission nationale de surveillance représentant ainsi toutes les nuances de la minorité.

D. Mais si cet administrateur a le commandement de la force armée et qu'il veuille en abuser pour convertir l'administration des choses en gouvernement des hommes, la gérance en tyrannie, comment vous y prendriez-vous pour l'en empêcher, écarter ce risque et prévenir ce péril?

R. Je l'en empêcherais en commençant, avant de confier à qui que ce soit l'Administration de la chose publique, et le dépôt de la force armée, par abolir préalablement l'impôt indirect et multiple pour y subsister l'impôt direct et unique, ce qui est le seul moyen de rendre facile et efficace le refus de l'impôt. Pas d'argent, plus d'armée. En même temps que j'abolirais préalablement l'impôt indirect et multiple, j'abolirais tous les priviléges qui ont survécu aux trois révolutions de 1789, de 1830 et de 1848, et parmi ces priviléges se trouvent encore les brevets d'imprimeurs. En même temps que je restituerais au droit commun la liberté d'imprimer sa pensée, de la publier et de la distribuer sous toutes les formes, je donnerais à cette liberté individuelle la garantie de la pleine indépendance communale, de telle sorte que chaque Commune fût moralement une forteresse où pût se réfugier sûrement le droit commun menacé

par la tyrannie d'un usurpateur. Ce n'est pas tout encore ; je m'ap pliquerais à simplifier l'administration centrale afin que l'Administrateur public eût à nommer le plus petit nombre possible de fonctionnaires subalternes; ce n'est pas tout encore, j'établirais l'entière indépendance de la Justice par la séparation absolue du Pouvoir judiciaire et du Pouvoir administratif; car, cette séparation est fictive et illusoire lorsque c'est le chef du Pouvoir administratif qui pourvoit aux nominations et à l'avancement des membres du Pouvoir judiciaire. Le Pouvoir judiciaire serait électif et élu au même titre, le même jour, par le même mode et par les mêmes électeurs que le Pouvoir administratif. Ce n'est pas tout encore; je chercherais et je trouverais un dernier contre-poids au commandement de la force armée dans l'organisation unitaire des Corporations industrielles. Enfin, tout serait prévu pour contenir le Pouvoir administratif entre des digues si fortes qu'il ne puisse jamais lui venir même la pensée de tenter de les rompre. D'ailleurs, au premier effort qu'il ferait, les onze membres de la Commission de surveillance ne seraient-ils pas là pour le dénoncer à la défiance et à l'indignation du Peuple tout entier qui courrait aux urnes et le révoquerait immédiatement? D. Vaine précaution! La première chose qu'il ferait serait d'arrêter les onze membres de la Commission nationale de surveillance.

R. Eh bien! Quand il aurait fait arrêter les onze membres de la Commission nationale de surveillance, à quoi cela l'avancerait-il? Estce que chaque Commune n'aurait pas sa Commission communale de surveillance instituée et fonctionnant en vertu du même principe? Je suppose le nombre des Communes de France réduit à 6,000: est-ce qu'il serait possible de faire arrêter les 6,000 maires qui représenteraient toutes les forces compactes de la majorité et les 66,000 membres des Commissions communales de surveillance qui représenteraient toutes les nuances réunies des minorités diverses? Donc matériellement aucune usurpation ne serait plus possible. L'Administrateur public de la chose publique, constamment révocable, pourrait toujours être aussi facilement que certainement révoqué. C'est alors que véritablement existerait la souveraineté du

Peuple, s'exerçant et ne se déléguant plus, mais s'exerçant dans ses limites naturelles et infranchissables, ne sortant jamais de son orbite et n'en pouvant jamais sortir. Sous le régime du droit conventionnel le Peuple agissant, agit toujours comme Peuple, de même que la Commune agit toujours comme Commune, la Corporation comme Corporation, l'Individu comme Individu.

Le Peuple intervient pour régler ce qui est national; il n'intervient pas pour régler ce qui est individuel. Au besoin, la Corporation suffirait pleinement pour protéger ses membres, et la Commune pour protéger ses habitants, en toutes circonstances où la liberté se trouverait aux prises avec la force. Mais Commune, Corporation et État se prêtant ainsi un concours réciproque et commun, désormais l'Individu ne courrait pas plus de risque d'être frappé daus sa liberté que l'habitant de la terre n'est exposé à périr écrasé sous la chute de la lune. État, Commune, Corporation, Individu, tourneraient chacun comme autant de sphères inégales et diverses sur leur axe. Ni chocs, ni frottements. Rien de fictif, tout réel : les rouages nécessaires, aucun d'inutile: - tels sont les avantages que présenterait le droit conventionnel substitué au droit constitutionnel; ce serait le régime vrai de la Liberté, de la Publicité, de l'Unité. L'État aurait son Maire.

La Commune aurait son Maire.

La Corporation aurait son Maire.

Chacun de ces trois maires personnifierait à tous les degrés la majorité contrôlée par la minorité; la minorité et la majorité ainsi fidèlement représentées seraient alors véritablement l'universalité des intérêts, l'universalité des opinions, l'universalité des idées.

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