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L'homme a été créé droit et juste; c'est lui qui s'est embarrass dans une foule de questions.

Ecclésiaste.

Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans sa vie se défaire de toutes les opinions qu'on a reçues, et reconstruire de nouveau tout le système de ses connaissances.

DESCARTES.

Puisque la nature n'a mis aucune différence entre ses enfants, puisqu'elle me donne à moi comme à vous le même droit à ses fayeurs; puisque nous avons tous la même raison, les mêmes sens, les mêmes organes; puisqu'elle n'a point créé des maîtres, des sujets, des esclaves; des princes, des nobles, des roturiers; des riches, des pauvres; comment les lois politiques qui ne doivent être que le développement des lois naturelles pourraient-elles sans danger établir une différence choquante et cruelle entre les hommes. Pourquoi la loi qui doit satisfaire la raison pour produire le bien la révolterait-elle sans produire le mal?

CONDILLAC.

Que la politique imite la nature. Si le travail qu'elle nous impose n'est pas proportionné à nos forces, si l'espérance qui le ferait entreprendre avec joie est trompée, s'il ne peut pas suffire à nos besoins, il devient insupportable et ne peut être que l'occupation ou le châtiment d'un esclave.

MABLY. Entretiens de Phocion.

L'étude de la physiologie du cerveau nous montre les bornes et l'étendue du règne moral et intellectuel de l'homme. Elle nous montre une immense disproportion entre les facultés éminentes et nous entraîne vers ce résultat que, partout où les hommes se font gouverner par la multitude, où les règlements, les décisions, les lois sont l'œuvre de la pluralité des votes, c'est la médiocrité qui l'emporte sur le génie.

GALL. Sur les fonctions du cerveau, t. II, p. 50.

Il y a une science des quantités qui force l'assentiment, exclut l'arbitraire, repousse toute utopie; une science des phénomènes physiques qui ne repose que sur l'observation des faits; il doit exister aussi une science de la société absolue, rigoureuse, basée sur la nature de l'homme et de ses facultés et sur leurs rapports, science qu'il ne faut pas inventer, mais découvrir.

J.-P. NOHDUORP. Ehcnamid.

Il n'y a de vraies révolutions que les révolutions d'idées.

JOUFFROY. De la destinée humaine.

La destinée humaine donne une heure par siècle à l'humanité pour se régénérer; cette heure, c'est une révolution, et les hommes la perdent à s'entre-déchirer; ils donnent à la vengeance l'heure donnée par Dieu à la régénération et au progrès.

LAMARTINE. Voyage en Orient.

Toutes les heures perdues dans l'époque où nous vivons sont une pert irréparable.

LE PREMIER CONSUL au ministre Decrès,

L'AUTONOMIE UNIVERSELLE.

D'où vient que les astres se meuvent en pleine liberté sans se rencontrer ni se heurter jamais? C'est que chacun d'eux se meut dans son orbite sans en pouvoir sortir. Cet ordre astronomique est ce qui constitue l'équilibre universel. C'est un équilibre pareil que j'ai cherché à créer dans l'ordre politique. Pour y parvenir, je me suis appliqué à restituer premièrement à la puissance individuelle sa plénitude; deuxièmement, à la puissance communale son indépendance; troisièmement, à la puissance publique son unité; quatrièmement, à la puissance corporative son action; cinquièmement et enfin, à la puissance judiciaire sa suprématie. Chacune de ces puissances se fait contre-poids; mais aucune d'elles n'a de limites autres que celles qui lui sont propres, comme il est propre, selon l'observation de Montesquieu, à tous les rayons d'un cercle d'être égaux entre eux.

Partout où j'ai trouvé une limite arbitraire, je l'ai effacée; partout où j'ai trouvé une limite naturelle, je l'ai conservée. Je n'ai voulu d'aucune pondération factice. L'autonomie universelle, voilà quel a été mon but. L'ai-je atteint? ai-je découvert toutes ses lois? n'en ai-je transgressé aucune? C'est ce qu'à défaut de l'application, que je souhaite sans l'espérer, m'apprendra la discussion que je provoque.

Les neuf livres qui précèdent, mûrement médités, ont été rapidement écrits dans l'exil où je suis privé de la plupart de mes notes, patiemment amassées; il

n'y faut donc voir que l'imparfaite ébauche d'un tableau dont je me propose de faire l'œuvre de toute ma vie. La pensée fraternelle du lecteur sympathique saura suppléer ce qui manque et rectifier ce qui devra être rectifié. J'ai compté sur elle.

L'expérience de tous les temps et de tous les pays, à l'exception des États-Unis, exception qui s'explique d'elle-même, a démontré ce que valaient et ce que duraient les constitutions écrites. 11 fallait donc combler cette ornière pour n'y plus verser. Assez et trop de constitutions ont été tracées sur le papier. Il fallait faire ce que fit le premier homme sensé qui, au lieu de disserter sur le mouvement qu'on niait, marcha. Il fallait faire ce qu'a fait le mécanicien qui, remontant pratiquement des effets aux causes, s'est appliqué à rendre plus rares les explosions originairement si fréquentes des machines à vapeur; il fallait faire ce qu'a fait l'horloger des mains duquel sortent les plus irréprochables chronomètres; il fallait entreprendre le mécanisme de la liberté ; il fallait en construire tous les rouages, en ajuster toutes les pièces; il fallait enfin transporter de la tribune dans l'atelier la liberté, et la mettre en œuvre au lieu de la mettre en paroles. Commencer par exercer ses droits est plus sûr et plus prompt que commencer par les proclamer. Les droits qu'on exerce se règlent d'eux-mêmes et se rectifient par l'usage, tandis que le plus petit abus suffit pour détruire les droits qui n'existent qu'à l'état de Déclaration. Déclaration des droits! c'est le mot consacré.

Placé devant l'étau, j'ai donc tenu le marteau et la lime, et de même que s'y prend le constructeur de machines pour construire un générateur de force, je m'y suis pris pour construire un générateur de liberté.

Il y avait dans cette entreprise une double difficulté à vaincre, et contre laquelle on avait toujours échoué. Il fallait que la puissance indivisible conservât une force assez grande pour suffire à son œuvre, sans avoir jamais à craindre d'être faussée ni brisée, et cependant que cette force ne fût pas telle qu'elle pùt usurper et jamais mettre en question et en péril la puissance individuelle. Le moyen de vaincre cette double difficulté, c'était premièrement, de définir avec précision ce qu'il fallait entendre par puissance indivisible et par puissance individuelle; c'était de tracer la ligne de dé

marcation entre la puissance de l'État et la puissance de l'Individu avec une telle certitude que jamais ces deux puissances, renfermées chacune naturellement dans son orbite, ne pussent jamais se rencontrer et se heurter; c'était, deuxièmement, de placer entre la puissance nationale et la puissance individuelle deux puissances intermédiaires : la puissance communale et la puissance corporative, et au-dessus de ces quatre puissances une puissance suprême, la puissance judiciaire; ainsi donc cinq puissances: deux puissances extrêmes, l'Individu et l'État; deux puissances intermédiaires, la Corporation et la Commune, et une puissance suprême, la Justice : voilà tout le mécanisme, mécanisme qui pourrait être comparé à une machine composée de cinq cylindres, tous indépendants les uns des autres et mis en mouvement par un moteur commun: le suffrage universel; c'était, troisièmement, de restituer à la puissance nationale l'unité qu'elle avait perdue, l'unité sans laquelle il n'y a pas et il ne saurait y avoir ni de puissance réelle, ni de responsabilité effective, ni de libre essor du génie; c'était, quatrièmement et enfin, de simplifier tous les rouages, de supprimer tous les frottements, d'utiliser toutes les forces.

Le mécanisme dont j'ai entrepris la construction a été conçu avec cette pensée, que le dépositaire de la puissance indivisible eût-il à sa disposition ce que je ne voudrais pas qu'il eût jamais, une force armée de cinq cent mille soldats, il ne pût s'en servir, en aucun cas, que pour défendre l'inviolabilité nationale, et jamais pour menacer l'inviolabilité personnelle.

Je me suis donc posé la question de savoir ce qui arriverait si le dépositaire de la puissance indivisible, quel que fût le nom qu'il portât, celui de Président de la République ou de Président du Conseil, de Maire d'Etat ou de Ministre du Peuple, abusait du dépôt qui lui aurait été confié pour tenter d'anéantir la puissance individuelle, d'absorber la puissance communale, de supprimer la puissance corporative, de paralyser la puissance judiciaire ?

Voici la réponse que les choses elles-mêmes m'ont faite :

La Commission nationale de surveillance et de pu

blicité, composée des onze membres ayant obtenu, dans l'échelle des votes, le plus grand nombre de voix après celui obtenu par l'Élu du peuple, individualisant, personnifiant la puissance collective, se hâterait de convoquer l'arbitre suprême, c'est-à-dire l'universalité des électeurs.

-Mais, reprend-on, la première mesure que ne manquerait pas de prendre l'Élu du peuple aspirant à la dictature temporaire ou à la royauté héréditaire, ce serait de mettre les onze membres de la Commission nationale de surveillance et de publicité dans l'impuissance de faire obstacle à la réussite de ses projets d'usurpation.

Je réponds: Soit! et j'ajoute : Les 6 ou 7,000 Communes de France ayant toutes la même organisation que l'État, il faudrait alors arrêter et incarcérer, en même temps que les onze membres de la Commission nationale de surveillance et de publicité, les 6,000 Maires de communes et les 66,000 Membres des Commissions communales de surveillance et de publicité; ensemble, 72,000 Élus du peuple, représentant la souveraineté à tous ses degrés, la confiance nationale et la défiance démocratique dans toutes leurs combinaisons et dans toutes leurs nuances. Ce ne serait pas tout encore, il faudrait arrêter et incarcérer les Maires de toutes les Corporations, et détruire d'un coup de plume et d'un revers de main toute l'organisation, aussi forte que simple, des Corporations; ce ne serait pas tout encore, il faudrait improviser des prisons, puisqu'elles auraient été démolies, ou organiser des massacres, le même jour, sur tous les points du territoire. Ce ne serait pas tout encore, il faudrait enfin arrêter et incarcérer le grand-juge, les 35 juges de cassation, les 360 juges d'appel et les 6,000 juges de paix, car ces juges ne tiendraient pas leur siége du dépositaire infidèle de la puissance indivisible, ils le tiendraient du peuple souverain; ils seraient ses élus. Ces juges ne seraient pas fonctionnaires, ils seraient juges; ils seraient plus qu'inamovibles, car ils seraient rééligibles. Je le demande, avec de telles garanties se prêtant les unes aux autres une mutuelle assistance et s'assurant réciproquement, le risque qu'on vient de supposer, serait-il à craindre, serait-il probable, serait-il possible? Quiconque se sera rendu exactement compte de ce méca

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