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nisme, où toutes les lois de la gravitation ont été étudiées et appliquées, répondra, sans hésiter, non.

Si l'on s'étonnait de trouver si souvent écrit sur les pages d'un livre politique le mot mécanisme, je répondrais à cette remarque en disant que la puissance nationale me paraît appelée à se simplifier par les mêmes moyens que ceux auxquels la puissance industrielle est redevable de tous les progrès qu'elle a accomplis, depuis un demi-siècle, sous le régime de la liberté.

Première période : L'homme fait tout; la machine ne fait rien; elle n'existe pas encore.

Période intermédiaire : L'homme et la machine se partagent la tâche par moitié.

Troisième période : Les machines font tout; les hommes ne font plus rien, car ils n'ont plus qu'à mettre en mouvement les machines lorsqu'elles se sont arrêtées, ou qu'à rattacher le fil lorsqu'il s'est brisé.

Même sort est réservé à la puissance nationale: Première période : L'homme est tout; les institutions ne sont rien. Elles n'existent pas encore. C'est la monarchie traditionnelle.

Période intermédiaire : L'homme et les institutions se partagent la tâche par moitié. C'est la monarchie constitutionnelle.

Troisième période Les institutions seront tout, l'homme ne sera plus qu'un modeste conducteur de machines ou qu'un simple rattacheur de fil. Ce sera la période de la République universelle.

La société est à la recherche de son mécanisme; dès qu'elle l'aura trouvé, Gouvernement sera un mot qui n'aura plus de sens que dans le passé. Au lieu de dire le Pouvoir, on dira le Savoir; au lieu de dire l'Autorité, on dira la Supériorité. La liberté mutuelle sera la loi commune. Il n'y aura pas, il n'y aura plus besoin d'autre loi que celle-là. Hormis les cas où il y aura lieu de délibérer et de voter sur un intérêt nécessairement indivisible, conséquemment indivis, essentiellement collectif et exclusivement public, la majorité n'imposera plus, n'aura plus le droit arbitraire d'imposer sa volonté à la minorité. Il n'y aura plus de pouvoir législatif, car il n'aura plus de raison d'être; il n'y aura plus qu'une administration publique de la CHOSE publique.

Lorsque le suffrage universel n'aura qu'à viser un but marqué droit et clairement devant lui, il n'y aura plus à craindre qu'il commette d'écarts, car, en fit-il, qu'il aurait le moyen de les réparer presque aussitôt qu'il les aurait commis.

Lorsque le suffrage universel aura à élire un Maire d'Etat, et que ce Maire d'Etat sera exclusivement l'administrateur de la CHOSE publique, le suffrage universel apprendra, par l'élection de 6,000 Maires de Communes, qu'il faut se garder de nommer un dilapidateur ou un ambitieux; il nommera donc le meilleur administrateur qui se sera révélé, et les moyens de se révéler, pour un bon administrateur ne manqueront plus, dès que l'administration communale s'exercera dans toute sa liberté et dans toute sa responsabilité.

Lorsque le suffrage universel aura à élire un juge d'Etat, un juge suprême, individualisant, personnifiant la conscience publique, un Grand-Juge, devant lequel seront juridiquement portées les accusations de forfaitures, le suffrage universel, par l'élection de 6,000 juges de paix, apprendra quelles garanties préalables d'impartialité il devra demander au caractère de celui qui rendra la justice AU NOM DE LA JUSTICE.

Alors l'universalité des électeurs, l'universalité des justiciables ne se tromperont pas, car elles ne procéderont plus au hasard et dans les ténèbres; elles sauront exactement ce qu'elles voudront et ce qu'elles devront vouloir.

En tous cas, le suffrage universel n'aura jamais à élire qu'un administrateur de la richesse indivise, jamais un législateur de la raison individueile.

Le seul risque qu'on pourra courir, ce sera de voir gaspiller son argent donné à titre d'impôt ou d'assurance; jamais on ne courra le risque de voir entamer sa liberté.

N'est-ce pas là l'essentiel? Et un tel progrès dût-il se payer par une petite perte d'argent, serait-ce le payer trop cher?

Assurément non, me répond-on; mais en même temps qu'on me fait cette réponse, on m'adresse cette question: Est-il possible et raisonnable d'espérer que jamais les lois de l'autonomie universelle soient observées, même en supposant le triomphe d'une révolution nouvelle ?

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Pourquoi donc ne seraient-elles pas observées? Elles sont l'Absolu et non pas l'Arbitraire, elles sont l'Unité et ne sont pas la Dictature, elles sont la Liberté et ne sont pas la Terreur, elles sont la Pacification et ne sont pas la Guerre, elles sont les Réconciliations et ne sont pas les Représailles, elles ne menacent de mort la vie de personne et ne dépouillent de son bien aucun vivant; elles ne poursuivent que l'erreur démontrée par la vérité, que l'abus dévoilé par la justice; elles attendent lorsqu'il y a doute et në se hâtent que lorsqu'il y a certitude.

Si ces lois sont les véritables lois de l'autonomie universelle, sera-t-il nécessaire de les soumettre préalablement à la sanction populaire? A cette question que je me suis posée à moi-même, j'ai répondu : non. Ou ces lois sont fausses, ou elles sont vraies, pourquoi exposer à la complicité d'une erreur le peuple qui les adopterait si ces lois sont vraies, pourquoi exposer au risque d'une méprise le peuple qui les rejetterait? Est-ce que si le peuple était consulté sur la loi de gravitation universelle, le vote du peuple pourrait infirmer ou confirmer la découverte de Newton? Est-ce que si le peuple était consulté sur la question de savoir si la terre tourne, le vote du peuple pourrait trancher la question qui fut indécise entre Galilée et le pape Urbain VIII? Est-ce que si le peuple était consulté sur la question que Napoléon posa le 21 juillet 1804, à l'Académie des sciences, à l'occasion de Fulton, il serait plus infaillible que l'Académie des sciences qui traita Fulton de « visionnaire » et son idée « d'idée folle, d'erreur gros» sière, d'absurdité? »

Ce qui appartient au domaine de l'expérience doit se résoudre par l'épreuve de l'expérience; le juge de ce qui est le progrès, c'est l'essai.

Le progrès se découvre et ne se vote pas.

Si les lois que j'ai exposées ne sont pas les véritables lois de l'autonomie universelle, il faut le démontrer, et faire plus ou mieux ; il faut, tous et chacun, les chercher sans relâche, jusqu'à ce qu'elles aient été incontestablement trouvées, afin qu'au lendemain d'une révolution, il n'y ait plus qu'à supprimer les obstacles qui empêcheraient, cette fois encore, qu'elles ne se fissent jour.

Mais les lois que j'ai exposées ne fussent-elles qu'un

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progrès sur tous les régimes condamnés par l'expérience, que ce progrès devrait encore être accueilli si rien d'égal ne s'était produit qui pût lui disputer la préférence.

Le jour d'une révolution, si l'on ne sait pas ce qu'il faut immédiatement faire, j'ajouterai, si on ne le sait pas la veille, on le saura encore moins le lendemain.

Charlatans et impuissants sont ceux qui disent, pour masquer leur paresse et leur ignorance: « On consultera le peuple! »

Qui et comment?

Qui le consultera?

Un dictateur que rien ne contiendra ou un Comité que tout divisera.

Comment le consultera-t-on ?

- En mettant aux voix ce que la majorité n'aura aucun droit d'imposer à la minorité.

Si l'on veut fermement, sincèrement qu'une quatrième révolution éclatant en France, n'y soit pas un quatrième avortement, il faut, ne dût-elle s'accomplir que dans vingt années, s'appliquer dès aujourd'hui, et sans perdre une seconde, à rechercher : premièrement, les véritables titres de la puissance individuelle et de la puissance communale afin de ne plus les confondre avec ceux de la puissance nationale; deuxièmement, les moyens de séparer la Force de la Justice, afin de les rendre indépendantes l'une de l'autre; troisièmement, les termes de la convention libre qui devra se substituer à toute constitution imposée.

La preuve que 2 multipliés par 2 égalent 4, c'est que cela n'est contesté par personne et que cela est accepté par tout le monde; la preuve qu'une convention sera bonne, c'est qu'elle aura été acceptée par le nombre le plus grand et qu'elle n'aura été contestée que par le nombre le plus petit; la preuve qu'elle sera la meilleure possible, c'est que l'intérêt de tout le monde aura été de l'accepter et que nul n'y aura été contraint.

Le régime constitutionnel, c'est le régime de la majorité substitué au despotisme de la royauté; le régime conventionnel, c'est le régime de la liberté substitué au despotisme de la majorité.

Le droit conventionnel est donc un progrès sur le droit constitutionnel.

C'est l'autonomie universelle.

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RÉSUMÉ.

I.

L'autonomie universelle, c'est la liberté limitée par la réciprocité.

II.

La propriété universelle, c'est le droit de conquête par le travail; c'est le travail glorifié; c'est l'oisiveté déchue; c'est la propriété légitimée par son origine et par ses œuvres.

III.

Le décime universel, c'est l'épargne individuelle élevée à sa plus haute puissance par l'épargne collective; c'est la misère entretenue par la charité impuissante, abolie par le salaire suffisant; c'est l'abîme entre la pauvreté et le luxe comblé et nivelé par le bien-être.

IV.

Le douaire universel, c'est l'égalité des enfants devant la mère; c'est la fin du vieux monde et la naissance du monde nouveau; c'est l'homme ne valant plus par ses ancêtres, mais valant exclusivement par ses œuvres; c'est la titulation héréditaire faisant place à l'illustration personnelle, le privilége de la naissance à l'universalité de l'élection, l'aristocratie à la démocratie, et la république universelle à la monarchie séculaire.

V.

La justice universelle, c'est la Justice arrachée à l'esclavage de la Politique et reprenant au-dessus de celle-ci le rang qui lui appartient; c'est la condamnation de la Force sous tous ses noms guerres et conquêtes; révolutions et dictatures; superstitions et nécessités; crimes et délits arbitraires; c'est la justice mutuelle vouant au blâme, au mépris, à l'exécration

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