sont le naufrage, la foudre, l'incendie, la grêle, la gelée, l'inondation, etc.; deuxièmement, il y a ceux qui n'existent que par le fait de la société telle que l'homme l'a instituée; de ce nombre sont la guerre, la piraterie, le meurtre, le rapt, le viol, le vol, les fraudes, les voies de fait, etc. Tous ces risques tendent manifestement à devenir, les uns plus rares, les autres plus faibles. Déjà les premiers de ces risques, ceux qui existent par eux-mêmes, ont été considérablement diminués par les efforts opiniâtres de la science, victoires de l'homme remportées sur la matière. Les perfectionnements introduits dans la construction des navires, la découverte de la boussole, la précision des instruments, l'exactitude des cartes marines et enfin l'application de la vapeur à la navigation, ont rendu les risques de naufrage de moins en moins probables. Le voyageur qui va du Havre à NewYork en dix jours est infiniment moins exposé aux risques de naufrage que dans le passé, où la même traversée exigeait, pour s'opérer, six fois, dix fois, cent fois plus de temps. L'invention du paratonnerre a écarté, dans beaucoup de cas, le risque ayant pour cause la chute de la foudre. La maison construite en pierres et couverte en tuiles est moins exposée au risque d'incendie que la maison construite en bois et couverte en chaume. Partout les maisons construites en bois et couvertes en chaume tendent à disparaître; partout les maisons construites en pierres et couvertes en tuiles, ardoises ou zinc, tendent à se multiplier. L'importation de la pomme de terre et certaines combinaisons d'assolements ont écarté le risque de famine, et rendu plus rare le risque de disette par suite de grêle et de gelée. L'agronome, en divisant les risques, les a affaiblis; l'assurance fera le reste. Quant aux seconds de ces risques dont il a été parlé, ceux-ci n'existant que par le fait de la société telle que l'homme l'a instituée, il suffirait, pour qu'ils se dissipassent, de l'observation universelle de cet incontestable précepte, qui devrait être écrit sur tous les murs des cités, sur toutes les portes des tribunaux, au revers de toutes les monnaies, en tête de tous les contrats et dans la mémoire de tous les enfants, afin de devenir la règle, sans exception, de tous les hommes : NE PAS FAIRE A AUTRUI CE QUE L'ON NE VOUDRAIT PAS QU'IL VOUS FÎT. Graver dans la mémoire et la raison de l'enfant que le meurtrier, s'il pouvait tuer impunément, serait exposé à être impunément tué; que le voleur, s'il pouvait voler impunément, serait exposé à être impunément volé; que, s'il y a une probabilité sur mille pour que le voleur et le meurtrier ne soient pas découverts, il y a neuf cent quatre-vingt-dix neuf probabilités contre une pour qu'ils soient reconnus: serait-ce donc plus difficile que de lui apprendre, sans que jamais il songe à le contester, que 2 multipliés par 2 égalent 4, et que la ligne la plus droite est toujours la plus courte? Il est possible de démontrer mathématiquement que celui qui tue, frappe, vole, trompe ou diffame, agit contre lui-même, comme s'il se tuait, se frappait, se volait, se trompait ou se diffamait. L'enfant auquel il aura été incontestablement démontré, sous toutes les formes, qu'enfreindre le précepte qui enseigne qu'on ne doit faire à qui que ce soit ce qu'on ne voudrait pas que qui ce soit vous fit, c'est se nuire à soi-même autant qu'à autrui, agira comme l'enfant qui sait qu'il se brûlerait la main en la plongeant dans l'eau bouillante ou en touchant à un tison enflammé; il ne s'y expose pas ou ne s'y expose plus. Relativement aux risques sociaux, toute la question se réduit donc à donner au précepte évangélique la rigueur incontestée d'un axiome géométrique. Ayant pris pour point de départ de mes travaux les suppositions que je viens d'énoncer sommairement, je me suis demandé s'il était possible de concevoir et de fonder une société qui, réduisant tout mathématiquement à des risques judicieusement prévus et à des probabilités exactement calculées, aurait pour unique pivot l'assurance universelle? Je me suis demandé si une société tournant sur ce pivot comme la terre tourne sur son axe, vaudrait moins que la société qui repose sur une distinction arbitraire entre le bien et le mal, distinction arbitraire, puisqu'elle a varié et qu'elle varie encore selon la diversité des temps et des pays, des religions et des lois? On peut contester que la guerre et la conquête soient un mal, mais peut-on contester que la guerre et la conquête soient un risque? On remarquera que, respectant toutes les croyances, quoiqu'elles se contredisent, je n'attaque aucune des religions qui se pratiquent. Chacune d'elles affirmant que les autres sont des impostures, ou pour le moins des erreurs, dans l'impuissance de les mettre d'accord, j'ai entrepris de me passer d'elles. J'ai éludé ainsi la difficulté, que je ne savais comment vaincre. Je ne dis pas que ce soient les religions qui aient tort. Je ne prétends pas que ce soit moi qui aie raison. Deux mille quatre cents ans avant moi, Bias avait posé en principe qu'on doit s'abstenir de toute recherche sur l'essence de la Divinité. S'il y a un Créateur; Si ce divin Créateur est le souverain juge; Si l'immatérialité de l'âme peut se démontrer; Si moralement le bien et le mal ne sont pas relatifs d'individu à individu, de nation à nation, de siècle à siècle; Si moralement le bien et le mal sont absolus, c'està-dire indépendants de l'éducation, du temps et de l'espace; S'ils ont une sanction éternelle; Si cette sanction est le lien d'une vie se rattachant à une autre vie, comme les anneaux d'une chaîne sans fin; Mon souhait le plus ardent et ma prière de chaque jour sont que la religion qui est la vérité anéantisse, par l'éclat de l'évidence, toutes les religions qui sont l'erreur; que cette religion soit la loi éternelle et universelle, rendant inutile toute autre loi; que la science succède à l'ignorance en la dissipant comme la clarté du jour dissipe l'obscurité de la nuit; qu'enfin le règne de la justice sur la terre arrive et soit le règne de la paix entre tous les hommes et entre tous les peuples. aucun n'essayant de faire à l'autre ce qu'il ne voudrait pas qu'un autre lui fit. |