liers ont un meilleur esprit, parce qu'on n'a pas à souffrir de dures nécessités. Mais la guerre, qui détruit l'aisance journalière de la vie, donne des leçons de violence et rend conformes à l'àpreté des temps les mœurs de la plupart des citoyens. THUCYDIDE. Antigonus le vieil répondit un jour à quelque sophiste qui lui présentoit et dédioit un traité qu'il avoit composé de la Justice: «Tu es un sot, mon ami, qui me viens prêcher la justice là où tu vois que je bats les villes d'autrui. » PLUTARQUE. Un seul meurtre fait un scélérat, des milliers de meurtres font un héros. ÉRASME. Les hommes sont tous frères et ils s'entre-déchirent. Les bêtes farouches sont moins cruelles qu'eux. Les lions ne font point la guerre aux lions, ni les tigres aux tigres; ils n'attaquent que les animaux d'espèce différente. L'homme seul, malgré sa raison, fait ce que les animaux sans raison ne firent jamais. FÉNELON. Tel est le droit de la guerre parmi les peuples savants, humains et polis de l'Europe. On ne se borne pas à faire à son ennemi tout le mal dont on peut retirer du profit, mais on compte pour un profit tout le mal qu'on peut lui faire en pure perte. J.-J. ROUSSEAU. Quand il est question de juger si on doit faire la guerre et tuer tant d'hommes, c'est un homme seul qui en juge, et encore intéressé. PASCAL. Ne faudra-t-il pas signer la paix après la guerre ? Que ne le fait-on tout d'un coup? VOLTAIRE. Un voleur de grand chemin qui commet des vols en troupe est aussi voleur que quand il vole seul, et une nation qui fait une guerre injuste n'est qu'une grande bande. Quand vous aurez employé votre peuple à piller les Hollandais, est-il étrange que, mettant un terme à ce brigandage, ils continuent chez eux le même métier et se volent les uns les autres ? FRANKLIN, C'est la faiblesse qui appelle la guerre; une résistance générale serait la paix universelle. MIRABEAU. Les guerres injustes naissent du défaut d'une garantie commune et prouvent sa nécessité. ANCILLON. Et il s'établira de peuple à peuple un équilibre de force qui, les contenant tous dans l'exercice de leurs droits réciproques, fera cesser leurs barbares usages de guerre et soumettra à des voies civiles le jugement de leurs contestations. VOLNEY. Qu'est-ce que la guerre? Un métier de barbare, où tout l'art consiste à être le plus fort sur un point donné. NAPOLÉON, 6 septembre 1812. LA PACIFICATION UNIVERSELLE. La guerre est un risque. Ce risque n'existe pas par lui-même, comme le risque de naufrage ou d'incendie; il n'existe que parce que l'homme l'a créé. Il équivaut, en moyenne, à trois dixièmes de la dépense ordinaire des Etats. Qu'y a-t-il à faire pour l'écarter ou l'anéantir? Ce qu'il y a de plus simple: s'assurer contre lui. En proposant à toutes les nations qui fléchissent sous le poids de la paix armée de contracter entre elles une assurance spéciale contre le risque de guerre territoriale et maritime. La France prend cette initiative et donne l'exemple. Elle appelle à s'unir successivement à elle contre le risque de guerre tous les Etats qui aspirent à pouvoir réduire et à finir par éteindre l'exorbitante dépense de leurs armées permanentes. Plus le nombre des Etats qui seront parties contrac-tantes tendra à grossir, plus le risque tendra à s'affaiblir; par suite, plus la prime à payer sera faible. De faible qu'elle serait relativement, elle deviendrait absolument nulle, si l'assurance contractée parvenait à comprendre et à unir ainsi tous les Etats qui composent l'ancien continent. Rien de plus facile à démontrer. De toutes les puissances de l'ancien continent, une seule depuis la chute de l'empereur Napoléon, une seule empêche la paix de s'affermir et de se transformer en régime définitif, au lieu de n'être qu'une trève dispendieuse; une seule inquiète tous les autres peuples dans la conservation de leur indépendance, c'est la Russie *. Tous ont devant les yeux les membres palpitants de la Pologne. Ce risque, qui impose à l'ancien monde une dépense annuelle égale au tiers de la totalité de ses autres dépenses, peut être exactement calculé et traduit en chiffres:La Russie entretenant une armée de 000,000 hommes et une flotte à voiles et à vapeur de 00,000 canons, entretenir proportionnellement, à frais communs, une armée et une flotte au moins égales en forces; Si la France est seule sur l'ancien continent pour tenir la Russie en équilibre et en respect, la France sera seule pour subvenir à la dépense et pour en porter l'énorme poids; mais, si l'Angleterre s'unit à la France dans la même pensée de pacification, déjà cette dépense, étant partagée entre les deux nations, pèsera moitié moins; elle pèsera moins encore et toujours de moins en moins si la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Autriche, la Prusse, la Saxe, le Danemark, le Wurtemberg, la Bavière, la Turquie, etc., signent successivement au contrat d'as A peine un an s'était-il écoulé depuis la publication de ce livre, imprimé à Bruxelles, en mars 1852, que les événements venaient confirmer la justesse des idées qui y sont exposées et montrer l'impuissance de l'ancienne politique de la paix armée au lieu de la paix assurée. surance contre le risque de guerre, contrat dont l'initiative aura été prise par la France. Enfin, cette dépense disparaîtra entièrement si la Russie elle-même, quoique attardée au cadran de la civilisation, reconnaît que le temps est passé de la guerre et de la conquête; que le temps est venu de la paix et de l'échange; qu'il ne s'agit plus de conquérir et de conserver, mais de produire et de consommer; que l'argent employé à solder des armées permanentes ne sert qu'à recruter l'armée de la misère; qu'à rendre plus lourd encore le lourd fardeau que portent les travailleurs; qu'à augmenter le prix de revient de tous les objets de consommation et qu'à diminuer ainsi le nombre des consommateurs, lorsque l'augmenter devrait être le but constant de tous les efforts judicieusement dirigés. La guerre est donc un risque qui, après être devenu déjà de plus en plus rare, tend à devenir encore de moins en moins probable, et enfin à rentrer dans le néant, d'où la guerre n'aurait jamais dû sortir. La paix permanente succède à la guerre intermittente; l'unité de l'ancien continent, détruite par la guerre, se rétablit par la paix. Le monde ancien fait place au monde nouveau. Tous les rapports se simplifient en même temps qu'ils se multiplient. Ce qui était problème devient solution; ce qui était obstacle devient moyen; ce qui était force de résistance devient force de propulsion. Si la guerre n'avait jamais existé, il n'existerait pas de nations; les nations sont filles de la guerre. En effet, une nation n'est qu'un faisceau d'habitants unis par la nécessité de se défendre contre le danger d'être conquis et enlevés à ce qu'ils considèrent, à tort ou à raison, comme leur indépendance. De là cette tendance des peuples à reculer les limites de leur territoire jusqu'à la possession incontestée des frontières naturelles qui les abritent. Cette tendance fut et sera juste aussi longtemps que le territoire le plus vaste et le moins accessible fut et sera la plus solide garantie de ses habitants. Mais cette tendance ne sera plus qu'un anachronisme le jour où l'assurance, sous toutes ses formes, sera le lien de tous les hommes entre eux. C'est là le point sur lequel il importe de se mettre d'accord, si l'on veut tirer le monde de l'ornière de sang dans laquelle il a trop longtemps et trop souvent versé. mo Quelque nom qu'elle prenne, qu'elle s'appelle sainte alliance des rois ou sainte alliance des peuples, restauration ou révolution, aristocratie ou démocratie, narchie ou république, il faut en finir avec cette vieille politique qui consiste à mener battre des hommes les uns contre les autres, et à les faire s'entre-tuer sous prétexte de donner à ceux-ci plus de gloire, à ceux-là plus de liberté. L'histoire de tant de siècles et de tant de peuples est là pour attester que la guerre est un détestable moyen de fonder la paix; que jamais le triomphe accidentel de la force n'a produit le triomphe définitif du droit; qu'il n'est pas plus possible de ressusciter les nationalités qui ont cessé d'exister que les mortels qui ont cessé de vivre; que toute liberté conquise et non acquise est une liberté précaire. L'arbre de la liberté ne pousse de racines et ne porte de fruits qu'où il a été semé et non où il a été transplanté. Qu'une expérience si chèrement achetée profite donc enfin à ceux qui l'ont payée! |