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Segonzac à Azerzour dans la vallée de la Haute Moulouya. La température moyenne de Timhadit semble être de 3o à 4° l'hiver et de 23 à 24° au cœur de l'été. Mais c'est là une modération thermique spéciale au versant nord de l'Atlas. Du côté du Sous et de la Moulouya, la chaleur est plus élevée : on a signalé dans les plissements méridionaux du Moyen Atlas jusqu'à 32o et même 40° à l'ombre, sans compter les variations brusques imputables au chergui, vent qui s'insinue dans l'Est et dans les vallées supérieures de la montagne et au siroco, vent du SudSud-Est dû au centre de haute pression qui se forme dans l'Extrême Sud et parfois dans l'Atlas. Une des caractéristiques du climat de la montagne réside dans la fréquence des orages qui se produisent à l'automne et au printemps dans les hautes vallées (1).

Ces brèves explications suffisent à faire comprendre les différences qui existent sur chacun des versants de la grande chaîne au point de vue de la végétation. Là où il pleut, tout est verdure et vie sous l'action fertilisante des eaux courantes; ailleurs, de longues côtes jaunes et des croupes d'un rouge sombre se succèdent à l'infini, immenses solitudes pierreuses d'où les cultures et les habitants semblent absents. Dans le Moyen Atlas, là où les Beraber n'ont pas trop déboisé en vue du pâturage il existe de belles forêts qui rappellent les Vosges, le Jura, voire même l'Auvergne, car le pays est parsemé de volcans éteints, de larves et de scories. Entre Meknès et la Moulouya, le cèdre, par 1.500 à 2.500 mètres d'altitude étale ses rameaux majes

(1) « Le régime des orages quotidiens s'est établi ce soir nous avons même eu deux orages, dont un extrêmement violent. Ces perturbations météorologiques se produisent avec une régularité et une soudaineté singulières. Les aurores sont courtes, les matinées radieuses, les midis écrasants. Vers une heure on voit monter du Sud Est quelques petits nuages roux, précurseurs de l'orage. Le ciel se tend d'un voile gris plombé, le vent s'élève, l'orage éclate, accompagné de pluie, et dure une heure ou deux. Puis le rideau de nuages s'éparpille, l'atmosphère reprend cette limpidité merveilleuse où l'œil peut scruter des profondeurs qui semblent n'avoir pas de limites. Les crépuscules sont brefs, la nuit tombe brusquement dans les vallées et sur la plaine, tandis que les cimes lointaines baignent encore dans les ors du couchant ». De Segonzac, Voyage au Maroc, p. 140-141.

tueux dans la montagne, mélangé à des chênes verts et zéens, des ifs, des érables, des houx et, en sous bois, à des arbustes de nos montagnes, tels que l'épine-vinette, l'alaterne. « Sur certains points, le cèdre cède la place au chêne afarès ou chêne à feuille de châtaignier, au tronc élancé et blanchâtre qui forme des peuplements majestueux. A partir de 2.000 mètres on est en pleine forêt de cèdres. La première zone, celle d'Azrou, cesse à 10 kilomètres environ au nord de Guigou. Une seconde zone, celle du Fazaz, qu'on aperçoit très nettement du poste de Timhadit, lui succède au sud de la dépression; elle est comprise entre Timhadit et le Dj. Haiane, Bekrit d'une part, et la Moulouya d'autre part. Dans cette dernière zone, il existe une proportion importante de génévriers, appelés arar par les indigènes et appartenant aux espèces de génévrier thurifère et du génévrier oxycèdre. En redescendant vers la Moulouya, on retrouve la même succession d'essences qu'au nord : les cèdres et les arars se mélangent aux chênes verts, qui finissent par l'emporter lorsque l'altitude diminue, avec çà et là des érables et des pistachiers de l'Atlas (betoums) » (1). Sur les pentes douces de la montagne comme dans les vallées le sol est fertile; les indigènes y ont créé des jardins producteurs d'arbres fruitiers et de légumes. On y trouve également des champs de céréales et des plaines où les nomades « de type alpin » font paître d'immenses troupeaux.

Dans le Grand Atlas les Chleuh ne vivent que d'agriculture. Dans le fond des vallées, l'orge, le maïs et les patates douces poussent parmi les noisetiers, les oliviers, les amandiers et les trembles. Le versant septentrional est particulièrement riche. De Demnat à Amizmiz c'est la région du « poitrail » dir où se trouve la plus grande forêt d'oliviers du Maroc, peut-être 3 à 4 millions d'arbres, et où les eaux, qui sourdent, formant sip on, fertilisent le sol. « D'étage en étage se déroulent les petits champs verts, les plantes de légumes, les bouquets d'oliviers, les vergers minuscules où les grenadiers se mêlent aux vignes,

(1) A. Bernard, Les Forêts de cèdres de l'Atlas marocain, dans FranceMaroc, 15 décembre 1917, p. 3.

les terrasses où s'enracinent les noyers et surtout les amandiers » (1). C'est la seule partie vraiment riche, semble-t-il, de toute la région. Mais cette fertilité diminue avec l'altitude (1.000 m.) et la forme abrupte des pentes de la montagne schisteuse. Cependant l'indigène a su tirer parti de toutes les portions du sol et ce n'est pas un des moindres étonnements du voyageur que de voir le soin apporté aux cultures en montagne. « Ici sont des blés, là des légumes, ailleurs des oliviers; ils s'étagent par gradins, une succession de murs en maçonnerie retenant les terres; sur ces pentes raides, on ne peut labourer à la charrue : tout se travaille à la pioche. Les chemins sont la plupart bordés de bourrelets de pierre; en certains points ils sont taillés dans le roc : des consoles les soutiennent, des ponts sont jetés au-dessus des crevasses » (2).

Ces efforts marquent les limites extrêmes où la culture est possible. Au delà on arrive au désert. Aussi le Grand Atlas termine-t-il les régions du Maroc qui peuvent être mises en valeur par les Européens. C'est là que finit le Maroc tempéré du Nord où la flore, dans ses traits généraux, rappelle celle du midi de l'Europe et où les champs couverts d'une couche de bonne terre, produisent des céréales et portent des amandiers.

Son versant Sud est soumis, en effet, aux influences sahariennes. Il est caractérisé par un climat à extrêmes et par une végé. tation pauvre dattier, jujubiers, acacias à gomme, alfa, etc. Dans la plaine les oueds sont secs, non pas toujours par manque d'eau, mais parce que les habitants la font dériver pour arroser leurs plantations. Aussi le problème de l'irrigation est-il un des plus importants qui soit à régler dans ces pays. Chaque tribu, chaque village a droit à une quantité d'eau parcimonieusement mesurée; des traités, des canouns, la déterminent, ce qui n'empêche pas que les canaux soient une source de contestations et de querelles fréquentes entre villages et entre fractions. Dans ces régions déshéritées la vie heureuse ne se rencontre que dans les oasis aux jardins magnifiques. « Il y a des arbres variés, mais

(1) Doutté, En Tribu, p. 139.

(2) De Foucauld. Op. cit., p. 73.

les palmiers dominent; à leur ombre, la terre, divisée en carrés, disparaît sous le maïs, le millet et les légumes. Une foule de canaux arrosent ces riches plantations; çà et là de grands bassins maçonnés sont remplis jusqu'au bord d'une eau limpide. Cette végétation luxuriante, ces arbres superbes qui répandent une ombre épaisse sur une terre toute verte, ces mille canaux, à ciel admirable, cette nature riche et riante qui, au milieu de la contrée la plus désolée, fait de ce séjour un lieu de délices, se trouveront pareillement dans les autres oasis » (1). Mais ce sont là des conditions économiques trop spéciales pour que la colonisation puisse jamais espérer tirer de ces pays un intéressant profit. Ce seront surtout des lieux d'excursion, comme les oasis d'Algérie et de Tunisie. Elles pourront également tenter les chasseurs qui seront venus explorer l'Atlas peu riche en variétés de fauves.

LA FAUNE

En dehors des lynx, chacal, hyènes, panthères, singes, très nombreux dans la montagne, on ne voit guère à citer que le lion qui habiterait encore le Moyen Atlas, les sangliers, les renards, les gazelles et les mouflons. Par contre les lièvres et les perdreaux pullulent et parmi les oiseaux de proie on rencontre les corbeaux buses, les aigles blancs, et les aigles roux.

L'INDUSTRIE

ET LE COMMERCE

Les Beraber et les Chleulh qui peuplent l'Atlas marocain sont des pasteurs et des cultivateurs suivant qu'ils vivent à l'état nomade ou à l'état sédentaire. Habitant plaines et montagnes, vallées fertiles, pentes herbeuses et forêts immenses, ils ont des industries appropriées à leur milieu. Celles-ci sont avant tout familiales et dérivent de la civilisation primitive de ces peuples. Aux femmes revient, en dehors des travaux de ménage, le tissage des burnous, des khenifs en laine ou en poils de chèvres et de chameaux, et des tarhalt (couvertures bariolées); elles tressent aussi des nattes brodées de laine;

(1) De Foucauld. Op. cit., p. 104.

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