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notamment chez les tribus Zemmour, Zaian et Beni Mguild, où se fabriquent également aussi des tapis de haute laine très estimés. Les hommes, lorsqu'ils ne sont pas en guerre, saccagent les admirables forêts soit pour les bûcherons et les charbonniers, soit même tout simplement pour obtenir un rayon de miel (1). L'agriculture, comme nous l'avons vu, est développée chez les sédentaires qui renferment leurs récoltes dans des kasbahs-magasins, appelées agadirs ou tirremts suivant les régions. Mais la plus grande richesse paraît être l'élevage pratiqué par les pasteurs nomades. Au pied de l'Ari Aiachi, les Aït Haddidou exploiteraient quelques filons de galène, de fer et de plomb et d'après les indigènes, l'Atlas serait également riche en cuivre, argent et or. Sans pouvoir se prononcer sur ce point, on peut espérer, étant donnée la constitution du massif de l'Atlas, qu'on pourra y trouver d'assez belles mines. Les Européens qui ont prospecté les vallées du Glaoui et du Goundafi ont rapporté beaucoup d'indications très encourageantes. Enfin dans certaines vallées comme celle de l'Ourika (Grand Atlas) se trouvent des salines exploitées par les indigènes qui arrivent, malgré leurs procédés primitifs, à suffire à la consommation locale et à alimenter Marrakech.

Au point de vue du commerce la chaîne de l'Atlas n'est pas, comme on pourrait le supposer, un faible centre d'échanges. La fréquentation des marchés y est très grande et les relations commerciales dépassent de beaucoup les limites de la montagne. Dans le Moyen Atlas certaines tribus, comme les Haouara, vont vendre dans le Maroc Oriental des chevaux et des moutons ; d'autres originaires du Djebel Reggou s'engagent à Fès comme portefaix et reviennent se marier dans leurs villages après fortune faite; d'autres, enfin, se rendent en caravanes à Meknès et Fès vendre des magnifiques solives de cèdre. Mais c'est par le couloir de Taza que s'effectue la communication entre l'Algérie et l'Atlantique. « C'est le passage nécessaire; il servit jadis aux Romains. Le site a de la grandeur. Des montagnes de plus de 2.000 mètres enserrent une vallée qui

(1) De Segonzac. Voyages au Maroc, p. 130.

n'a pas plus de 4 à 5 kilomètres de largeur; un affluent du Sebou y coule. Dressée au Sud, sur une sorte de haut plateau aux pentes fourrées d'arbres, dominée par l'imposant minaret de la Djemaa el Kebir, entourée de hauts murs, inaccessible, farouche, la forteresse de Taza commande le détroit. Longtemps elle put se croire imprenable. Nous y sommes entrés pourtant vers le milieu de mai 1914, deux mois et demi avant le commencement de la grande guerre » (1). Bien que des coups de fusil soient souvent tirés sur la ville, le commerce prospère dans cette région que traverse maintenant le chemin de fer. Un autre fort courant commercial est provoqué par les échanges de marchandises entre l'extrême Sud marocain et le Nord du Maroc. C'est lui qui donne toute leur importance aux cols de

l'Atlas et aux villes situées sur la route des caravanes. C'est ainsi que par Azrou et Kasbat el Makhzen ou Ksabi où se réunissent les routes principales qui coupent le Moyen Atlas, les oasis du Tafilelt s'approvisionnent à Meknès et Fès, tandis que par les Glaoua, seuils de grande valeur, les grains du Nord s'échangent contre les dattes du Draa. A Tamegrout, dans le Draa supérieur, l'Angleterre importe des thés verts, mais cette localité n'a jamais eu la célébrité du marché de Tazenakht au pied du Djebel Siroua, connu dans le Sahara entier, quoique un peu tombé aujourd'hui. « Chaque jeudi le Sous y apporte ses huiles, le Dra ses dattes, les Glaoua des grains; là se fait le change des divers produits : les dattes sont portées vers l'Ouest et le Nord, huiles et grains prennent la direction du Sud et de l'Est. Les habitants de Tazenakht ont des relations suivies avec le Maroc leurs caravanes s'y rendent avec des peaux, des noix et des dattes et reviennent chargées de cotonnades, de sucres, de thé, d'allumettes, etc.. on emmagasine ces marchandises, et on les expose le jour du marché (2). A l'autre extrémité Tiznit est un centre de commerce saharien, qui communique avec Tombouctou par Tamanart et Foum el Hosan au pied du Bani, et reçoit les caravanes qui viennent de Mogador et de Marrakech

(1) De Foucauld, op. cit., p. 109-110.

(2) L. Gallouédec (Extrait de la Revue pédagogique, octobre 1917, p. 7).

par les cols d'Agadir et des Bibaoun, etc... Nous ne connaissons pas encore l'importance de tous ces courants commerciaux, mais nous pouvons constater que les localités qui bénéficient dans l'Atlas d'une situation commerciale intéressante, sont aussi nombreuses que les routes destinées à relier les oasis du Maroc méridional et du Sahara aux grandes villes du Nord. On ne peut prévoir le développement qu'elles prendront à bref délai, lorsque les circonstances auront permis à la France de rétablir complètement dans tout le Maroc la sécurité des routes.

SOCIALE

L'Atlas marocain est un « admirable réduit où la race

LA VIE la plus indomptable du monde s'enferme dans son farouche isolement ». Cette parole de M. de Segonzac s'applique surtout aux populations berbères du Moyen-Atlas qui se ressentent d'ailleurs très fortement de notre influence depuis que les colonnes françaises parties respectivement de Meknès et de Bou Denib ont réussi à dissocier certains éléments hostiles (Riata, Beni Ouarraïn, Zaian), rassemblés dans la montagne entre le Tadla et Taza. Il en est de même dans le Sud de l'Atlas, où, avec le concours des grands «< seigneurs féodaux », nous avons pu contrecarrer jusque dans le Sous, les menées de l'agitateur El Hiba (1917). Cette pénétration récente va nous permettre de mieux connaître les habitants de l'Atlas marocain déjà dépeints par les voyageurs et qui se composent dans le Nord de Beraber et dans le Sud de Chleuh, deux groupes différant l'un de l'autre par le type, la langue et la manière d'être. « Dans leurs manières, les Breber ont quelque chose de beaucoup plus rude et de moins façonné que les Chleuh. Ceux-ci ont, en général, plus de retenue et sont moins grossiers; mais ils sont aussi moins francs. Le Chleuh a un talent commercial remarquable qui manque totalement au Berbère. Une qualité que les Beraber possèdent beaucoup plus que les Chleuh est leur grande hospitalité, tandis que les Chleuh penchent complètement vers l'avarice. Les Breber sont plus emportés, mais aussi beaucoup plus francs et moins fanatiques au point de vue religieux que les Chleuh et surtout que les Arabes. Ils ne haïssent pas autant que le chrétien comme tel

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que l'étranger en général » (1). Les Beraber posséderaient aussi de grandes aptitudes guerrières et des habitudes de rapines. Mais soumises, ces populations actives et intelligentes fourniront Maroc un complément de main-d'œuvre extrêmement intéressant. Nous en utilisons déjà pour nos grands travaux publics de la plaine; des Chleuh ont même été, pendant la guerre, engagés dans des usines de France où leur travail fut très apprécié.

Ces montagnards ne reconnaissent pas le Coran comme loi civile; chaque tribu ou même chaque localité a un code particulier, l'azref, dont les prescriptions sont fixées par l'assemblée des anciens (djemâa). La loi religieuse est plus ou moins bien observée chez ces populations qui ont adopté, au cours des siècles, les différentes religions de leurs dominateurs et qui aujourd'hui cherchent à maintenir leur indépendance et à sauvegarder contre l'Islam leurs coutumes si originales. Par l'emloi de dialectes locaux, fort différents de l'arabe marocain, ils se séparent des musulmans de qui, au point de vue social, ils s'éloignent encore par leur organisation tantôt démocratique et tantôt féodale. C'est un peuple, qui abrité aux abruptes pentes de l'Atlas, est très curieux à étudier. Les conditions d'habitat varient naturellement suivant qu'il s'agit de tribus nomades ou de tribus sédentaires (2). Les premières, surtout nombreuses dans le Moyen Atlas, vivent sous la tente (Kheima) qui sert à tous les déplacements er montagne; quand on campe les. tentes se groupent en cerele ou douar, au centre duquel on rentre le soir tous les troupeaux. Les secondes, les plus nombreuses possèdent, des établissements fixes avec parfois des tours de guet; ce sont les kasba qui réunissent dans leurs murs bon nombre d'habitations. Le village s'appelle tchar dans le Nord de l'Atlas et Ksar dans les oasis du sud; mais ce dernier se distingue par son architecture élégante, ses murs ornés de moulures, d'arabesques et de créneaux. Çà et là on voit auss des huttes en joncs ou en branchages et des maisons de pisé ;

(1) Schnell. Op. cit., p. 79-80.

(2) Suzanne Nouvel, Op. cit., p. 43-71.

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