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un jour, les volcans des Beni Mguild et des Beni Mtir deviendront-ils le but d'excursions classiques au même titre que ceux plus récents du Massif central français !

Vers l'Est, par delà la haute barrière des monts, qu'un nombre restreint de cols, souvent élevés eux-mêmes, permet de franchir, se développe une autre « meseta », analogue à celle du Maroc Occidental, que l'on connaît davantage sous le nom de « Confins Algéro-Marocains » parce que cette appellation. indique bien ses rapports étroits avec l'Oranie à laquelle elle se rattache géographiquement. Suivant l'importance des précipitations atmosphériques, le paysage se restreint tour à tour à des collines boisées ou s'étend à perte de vue dans des plaines sans arbres mais livrées à la culture ou à l'élevage et revêt plus loin, en s'avançant vers le sud, une apparence d'aridité et de nudité sur les Hauts Plateaux. Les petites collines miocènes de la côte méditerranéenne forment, avec les reliefs anciens et usés des Beni Snassen, la continuation des massifs montagneux algériens. Quelques terres cultivables s'y étagent à flanc de coteau ou dans les vallées ombragées d'orangers et d'amandiers; mais, en général, la principale ressource de cet apre pays réside dans ses bois : thuyas, chêne-verts, genevriers, qui dominent les grandes régions agricoles des Trifa, des Angad, de Djefira où le sol calcaire, encore mal défriché cependant, produit en abondance des céréales, de la vigne, et même des essences de prix, comme le géranium. Ces plaines, riche pays de culture où la colonisation algérienne a commencé à se porter, sont plus favorisées que le long couloir sablonneux de Tafrata, uni comme une glace, qui sert de voie de passage entre Oudjda, Taza et Fès, de l'Est à l'Ouest, et entre la mer et le Tafilelt du Nord au Sud. A cette zone du Tell, terre de cultures et de forêts, succède en latitude celle de la steppe, qui ressemble aux Hauts Plateaux algériens. C'est par 1.000 et 1.200 mètres d'altitude le pays du mouton. Les vastes espaces n'y ont d'autre végétation que l'alfa et l'armoise, deux graminées, d'aspect à peu près semblable, auxquelles le pays doit son étrange monotonie. Mais tandis que la seconde n'est qu'une plante de pâture, la première peut devenir la base d'exploitations diver

ses, dont les principales sont l'industrie textile et la fabrication de la pâte à papier. Le peintre Fromentin a pris à partie cette utile graminée sans laquelle les Hauts Plateaux ne seraient pourtant qu'un désert. « L'alfa est pour un voyageur la plus ennuyeuse végétation que je connaisse; et malheureusement, quand il s'empare de la plaine, c'est alors pour des lieues. Imaginez-vous toujours la même touffe poussant au hasard sur un terrain tout bosselé, avec l'aspect et la couleur d'un petit jouc, s'agitant, ondoyant comme une chevelure au moindre souffle, si bien qu'il y a toujours du vent dans l'alfa. De loin on dirait une immense moisson qui ne veut pas mûrir et qui se fléchit sans se dorer ». Au delà de cette mer d'alfa, c'est quasi le vide absolu: les nomades eux-mêmes évitent de camper près des chemins et préfèrent s'arrêter près des redirs et des chotts où s'abreuvent les troupeaux. Puis, à mesure qu'on approche du Sud, des collines et des buttes (gours, hamadas) se montrent au-dessus de l'uniforme étendue, les unes alignées comme les fragments d'un mur ébréché, les autres complètement isolées, mais toutes témoins d'une ancienne élévation du niveau du sol. Enfin « l'horizon se garnit de dentelures aiguës, de crètes de rochers chevauchant dans un même sens, émergeant à peine du sol et qui semblent des sommets de montagnes ensevelies; à leur base, la neige poussée par le vent s'amoncelle en hauts talus, tandis que les nuages accrochent leurs volutes aux pointes rocheuses » (1). Mais le modelé désertique, qui imprime déjà à l'ensemble des Hauts Plateaux leur physionomie spéciale, trouve sa complète expression dans le Sud où les dépôts horizontaux calcaires et gréseux sont découpés par l'érosion en tables, en hamadas, en chebkas et en gours rouges ou violets. Ce sont des immensités sahariennes intensément surchauffées que la vie a fui pour se réfugier dans les «Ksour » berbères des oasis auxquelles de soigneuses irrigations parviennent à donner, comme à Figuig, au Draa ou au Tafilelt, une certaine importance économique. En dehors de ces palmeraies, qui protègent quelques rubans de cultures,

(1) L. Rousselet. Sur les confins du Maroc, p. 119.

s'étendent, grillés par un soleil de feu, les interminables plateaux du grand désert qu'annonce le moutonnement des dunes. Le Maroc se perd dans le Sahara.

LE CLIMAT

Ce n'est pas de façon uniforme que le Maroc subit la double influence de la mer et de la montagne. La disposition de son relief le subdivise en une série de compartiments diversement orientés qui jouissent d'une grande variété de climats.

Sur la côte atlantique, la température, douce et régulière, ne connaît que des moyennes annuelles peu élevées, 17° à 20°, avec une amplitude de variation de 8 à 10°, c'est-à-dire presque de moitié moindre que celle observée sur les côtes tunisiennes à la même latitude. Aussi, depuis de nombreuses années, certaines villes, comme Tanger, qui joint la grâce du paysage aux charmes d'un climat délicieux, ont-elles séduit de riches touristes étrangers en quête de station d'hivernage. Les mêmes causes devant produire les mêmes effets, on peut être sûr qu'un même destin attend demain Rabat, Casablanca, Mazagan, caressées, même l'été, par la brise rafraichissante du large. Ce n'est pas en été, toutefois, bien que les alizés du Nord-Est y rendent le séjour très supportable, qu'on doive venir au Maroc. Sous la lumière crue du grand soleil, la côte marocaine paraît trop aride, quand sur les champs grillés l'air chaud tremblote et miroite comme une mer dont le vent léger agiterait la surface. Les nuances infinies dont se compose tout paysage marocain ne prennent vraiment toute leur valeur qu'à la fin du jour lorsque le Maghreb s'endort dans le ciel incendié :

« C'est l'heure où les encens s'exhalent des mosquées,
<< Le beau soir va mourir : lentement fleur à fleur,

« Et minute à minute, et couleur à couleur,

« Sa riche robe éteint ses moires compliquées» (1).

Une première visite au Maroc ne doit s'effectuer qu'au printemps alors que dans la campagne habillée de fleurs ce ne sont que parfums et concerts infinis. C'est la saison qui touche davan

(1) A. Droin. Du sang sur la Mosquée, page 47.

tage. « A côté de l'eau immortelle et amère où chaque saison ne fait que refléter son aile, on adore d'un élan plus vif ce miracle de quelques semaines, tant de fragilité ployante, un si tendre et si rapide éclat. Mais une excessive lumière ajoute à ce pathétique : la beauté ne s'y produit que pour se consumer... L'air est comme une eau divine: il baigne, il coule, il enveloppe de ses baumes presque chauds. L'esprit des fleurs monte de partout, aspiré par l'ardent soleil, et de tous côtés aussi montent les alouettes chantantes. Des mauves, des boutons d'or, des grandes marguerites, des millepertuis, mais surtout les hautes touffes, or ou bleu, des lupins. De ceux-là vraiment, la vie s'épanche à flots, en un tiède et puissant arome » (1). Des averses qu'apportent les vents gémissants du Sud-Ouest aident à ce renouveau enchanteur et tombent par ondées rapides et drues ou parfois en grêle tambourinante; mais le mauvais temps dure peu : « vers midi, le ciel se dégage peu à peu, très vite même, se balaye, s'épure, un premier rayon de soleil nous réchauffe; puis la vraie lumière d'Afrique revient, splendide, incomparable, en une heure la transformation est faite, la terre est sèche, la voûte est toute bleue, l'air est brûlant » (2). Ainsi ne connaît-on pas au Moghreb ces mois noirs du Nord et de l'Ouest de la France, ces « temps pourris »>, comme on dit en Bretagne pour désigner le ciel bas et terne de décembre et de janvier. Non! chaque saison au Maroc marque le triomphe du soleil et de la grande lumière. N'est-ce pas d'ailleurs parce qu'un éternel azur éclaire et égaie les remparts demi-croulants des vieux ports, les oueds sans remous, et la plaine tranquille qu'on arrive à aimer follement cette terre d'un autre âge?

Les saisons, plus tranchées, empiétent moins l'une sur l'autre dans l'intérieur des terres. L'hiver n'y est pas seulement caractérisé par d'abondantes pluies, espacées d'octobre à avril; l'abaissement de la température y est aussi plus sensible et s'accompagne de gelées blanches qui recouvrent, au matin, la

(4) A. Chevrillon. Crépuscule d'Islam, page 16. (2) P. Loti, page 115.

campagne humide de la rosée des nuits. Dans la grande plaine que rien n'abrite l'air est vif, sec et froid et l'hiver marque un temps d'arrêt dans la végétation qui ne reprend qu'au printemps. Alors poussent des herbes menues et tendres qui disparaissent au soleil desséchant de juin. Car l'été, avec ses chaleurs fortes et soutenues de 40° environ, désole le « bled » devenu aride pour quelques mois. On ne recherche alors que la fraicheur du ruisseau qui court au pied d'un arbre en bruissant sur des cailloux, sensation délicieuse d'ombre sous l'accablement de la lumière brûlante! De temps en temps, sans doute mais beaucoup moins fréquemment qu'en Algérie, soufflent de l'Est et du Sud-Est les tornades brûlantes de sirocco et de chergui. Elles soulèvent des nuages de poussières jaunes briques qui, dans leur tourbillon, vous aveuglent et pénètrent partout; ce ne sot heureusement que des anomalies, et en raison même de leur rareté, elles n'ont pu être encore suffisamment étudiées por que l'on connaisse exactement leurs effets sur l'agriculture, notamment au point de vue de l'adaptation de nouvelles plantes. En tout cas leur brusque et rapide apparition n'influe pas outre mesure sur le climat de la plaine: aussi le Maroc Occidental, par ses pluies et sa température, est-il éminemment favorable au peuplement européen.

C'est dans la montagne, réputée tour à tour glacière et fournaise, que les variations saisonnières sont le plus accusées. L'âpre vent d'Est balaye les vallées tandis que celui du Nord fouette des rafales de neige. Celle-ci couvre les cimes pendant une grande partie de l'année et glisse sur les pentes rapides en y dessinant des arêtes vives et des faces planes qui en font «< un titanique entassement de dièdres et de trièdres ». Non seulement on souffre alors du froid avec des températures de- 10° et plus, mais quand la neige tombe, les gaves sont gelés, les vallées blanchissent comme une steppe sibérienne et les cols deviennent impraticables. Ceux-ci sont obstrués pendant un mois ou deux et seules quelques maisons de grands chefs, qui commandent ces cols, font tache sur ce monotone linceul des chaînes. Quant aux montagnards, ils « masquent alors avec des broussailles et des troncs d'arbres les ouvertures de leurs demeures et se terrent

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