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OROGÉNIE

ET STRUCTURE

Le Rif constitue géologiquement la portion méridionale d'une chaîne granitique espagnole, la « Cordillère Bétique », dont il est séparé depuis l'ouverture du Détroit de Gibraltar; il s'y rattache cependant par sa structure et sa forme, ce qui le fait considérer comme une réplique de cette Cordillère.

Composé de terrains primaires (schistes et quartzites) et secondaires, le Rif présente ses terrains les plus anciens en bordure de la Méditerranée (schistes siluriens et cristallins) et ses formations récentes du crétacé et de l'éocène vers l'extérieur de la chaîne. Au point de vue tectonique, il est remarquable que ses plissements décrivent des courbes régulièrement concentriques dans le Rif occidental où ils affectent une direction NordSud; ils tournent au centre vers l'Est et remontent, dans leur partie orientale, vers le Nord-Est où la presqu'île de Melilla semble se relier à l'Espagne par l'île volcanique d'Alboran, car seule, la partie du Rif proche du Détroit de Gibraltar est connue. Le trait dominant de la structure du Rif occidental réside dans la disposition de ses couches en cuvettes et en dômes; ces dernières, vraies calottes de calcaires jurassiques donnent au pays et notamment à l'Andjera une forme en chapelet. Mais, autre fait tectonique intéressant, ces dômes (Dj. Touaïla. Dj. Moussa, Dj. Kelti, etc.) s'abaissent graduellement d'Est en Ouest (on constate une chute de 1.200 mètres sur une étendue de 60 kilomètres) et le détroit de Gibraltar lui-même semble correspondre à une dépression entre les deux dômes liasiques des colonnes d'Hercule puisque la chaîne Bétique se relève au delà. Le Rif central est resté encore inexploré et on connaît également peu de chose des chaînes orientales en dehors des vestiges d'éruptions andésitiques que l'on a trouvés dans la région de Melilla, au Dj. Gourrougou. On émet l'hypothèse d'une similitude de structure avec la partie occidentale pour toute la chaîne (1).

Devant cette ignorance de la géographie du pays, on doit

(1) L. Gentil, Recherches de géologie et de géographie physique, in Au cœur de l'Atlas, p. 705.

présentement renoncer à grouper les chaînes du Rif d'une manière systématique. On se borne à penser que le massif est composé d'une épine dorsale, plissée, étirée, enfaillée, d'une altitude moyenne de 1.500 à 1.700 mètres, au-dessus de laquelle demeure, en grandes crêtes escarpées, rudes et sauvages, ce que l'érosion a laissé debout des couches calcaires qui la recouvraient autrefois. Certains sommets semblent dépasser 2.000 mètres tels les Dj. Kelti (2.200 m.), Dj. Tazaran (2.500 m.), Dj. Beni Hassane (2.200 m.); mais la chaîne descend à 1.500 mètres au Dj. Azon et à 1.320 mètres au col de l'Aqbat Regeddi, ligne de partage des eaux entre les affluents de la Moulouya et les tributaires directs de la Méditerranée. En avant de cette chaîne centrale, des massifs rugueux d'une hauteur de 600 à 1.000 mètres, 'se terminent sur la côte déchiquetée de la Méditerranée en un grand nombre de promontoires que soulignent des îlots. En arrière de la grande dorsale s'étendent au contraire des chaînons parallèles, véritables plateaux ondulés, aux pentes douces, qui donnent aux flancs du massif un aspect dissymétrique. Les pointes du croissant ainsi formé par la disposition des montagnes seraient gardées à l'Est par Mélilla qu'abrite la chaîne des Guelaïa (Mont Gourrougou) et à l'Ouest par Ceuta, sise sous l'Andjera, ou sierra Bermeja des Espagnols.

HYDROGRAPHIE

De ces montagnes qui forment le nœud hydrographique par excellence de la région, descendent soit vers la Méditerranée, soit vers l'Atlantique, d'innombrables rivières, auxquelles l'inégale inclinaison des flancs du massif rifain donne des caractères différents. Sur le versant méditerranéen, elles coulent dans de profondes vallées, creusées normalement à la côte et que séparent des crêtes aigues; mais leur cours est bref, rapide, devient même torrentiel au moment des crues. Les principales d'entre elles sont l'Oued Selouane qui atteint la Sebkha de Bou Erg, lagune de 25 kilomètres de long au Sud-Est de Melilla; l'Oued Kert qui charrie des troncs d'arbres, les Oueds Ris et Nekour dans la baie d'Alhucemas, l'Oued bou Ferrah qui se jette en face du «< presidio » de Peñon de Velez de la Gomera; les oueds

Titoula, Ouringa, Taressa, torrents sortis du Dj. Tazaran; enfin, l'oued Tittaouin (rio Martine), qui arrose Tétouan, à 10 kilomètres de la mer.

Sur le versant méridional du Rif, les rivières coulent en terrain plus ouvert et ont un cours plus étendu, mais leur régime est irrégulier et caractérisé par des crues soudaines dues tout ensemble à la fonte des neiges, au ruissellement des pluies et à l'encaissement de leur haute vallée. Tel est le cas, notamment, pour l'important Oued Ouergha qui, grossi de ses tributaires, est le plus fort affluent de droite du Sebou.

CLIMAT

ET VÉGÉTATION

Le climat de la montagne, encore mal étudié, est sain mais rude: on signale de fortes chaleurs l'été, et de grands froids l'hiver, alors que la neige blanchit les sommets des monts. Sur la côte, au contraire, le climat, soumis à l'influence adoucissante de la Méditerranée, présente un caractère maritime. Il y est tempéré et analogue à celui de l'Andalousie. Le thermomètre marque 10 à 12o l'hiver et 28 à 30° l'été ; il dépasse rarement 35°. Dans la région occidentale, des vents secs du Sud et de l'Est, soufflent à la saison chaude tandis que des courants atmosphériques prépondérants du Nord-Ouest amènent des pluies en hiver. Les chutes annuelles moyennes sont de 796 millimètres à Ceuta, 453 à Tetouan, 607 à Alhucemas, 350 à Melilla, et 339 au Cap de l'Eau (1). Quant à la région orientale, protégée рал les saillies des montagnes et l'avancée de la côte vers le Nord, elle est de beaucoup la plus sèche, la plus chaude et la plus froide.

L'abondance des pluies dans le voisinage de la mer et l'encaissement des vallées permettent de pratiquer l'arboriculture (figuiers, amandiers, abricotiers, pommiers, vignes, etc.) et l'élevage du boeuf dans certaines parties du Rif dont les montagnes sont en général couvertes de forêts touffues sans pâturages ni herbages. En plaines les champs portent des cultures de céréales, de fèves, de lentilles, de maïs, de pommes de terre

(1) B. de la Association de Ingenieros Civiles, août 1915, p. 32.

importées d'Algérie ou d'Espagne, de petits pois, haricots, tomates, piments, etc. « L'aspect verdoyant de ce sol fécond, soigneusement travaillé par une population laborieuse, fait penser à ces beaux coins de France où tout est cultivé, où pas un pouce de terrain n'est perdu » (1). C'est, par contre, la steppe parsemée de roches basaltiques, qui se rencontre dans les grandes plaines de l'Est: Garet, Bou Erg, Zebra, Selouane où se porte actuellement la colonisation espagnole, tandis qu'à l'Ouest, les chainons sont recouverts d'une végétation méditerranéenne analogue à celles du littoral algérien et des bords de l'Andalousie, c'est-à-dire qu'ils se distinguent par la présence d'arbres à feuilles persistantes, et, aux environs de Tétouan, par des plantes aromatiques nombreuses et des fleurs d'une beauté remarquable.

VIE ÉCONOMIQUE

Fortifié aussi bien par sa côte abrupte et dangereuse que par ses ravins et ses monts, le Rif nourrit une des races les plus farouches du monde, dont la vigueur physique est entretenue par la rudesse du climat. Les Rifains, que les Espagnols n'ont pas encore pu soumettre, appartiennent à la grande famille berbère des Zénètes et parlent le tamazirt; au nombre de 550.000 environ et sédentaires depuis des siècles ils peuplent principalement la montagne. Retirés dans l'intérieur du pays, les Rifains, qui comme les kabyles, recherchent pour leurs habitations les points élevés d'où ils peuvent découvrir la campagne, se groupent en hameaux (dchar) entourés de potagers. Ils vivent soit sur la forêt où charpentiers, charbonniers, goudronneurs exploitent à outrance le chêne vert, le chêne liège, l'ormeau, le frêne et le sapin; soit sur les produits de la plaine riche en céréales, et en vergers. Quelques champs sont réservés à la culture du kif ou chanvre à fumer et du tabac. Sur le littoral méditerranéen la vigne est très répandue. L'apiculture est en honneur dans certaines tribus et l'élevage de la volaille y est devenu la spécialité des femmes, tandis que celui des troupeaux, mouton,

(1) Mouliéras, Le Maroc Inconnu, t. I, p. 104.

bœuf, chèvre, cheval, mulet, est le propre des nomades de l'Est ou des tribus de l'Ouest. Les mines de cuivre, d'étain qui se trouveraient dans la montagne ainsi que celles d'argent et d'or ne sont pas exploitées par les indigènes. La côte qui, âpre et inabordable, oppose à la Méditerranée un front de falaises rouges ou grises, bizarrement découpées, et crevassées de ravins profonds et sinueux, est pauvre et peu habitée; seuls la fréquentent quelques indigènes pêcheurs et plus ou moins pillards ceux-ci s'abritent dans les criques, aux parois escarpées, qui constituent les hâvres du pays.

Plus portés vers les travaux de la terre que vers l'exploitation des ressources maritimes et laborieux, les Rifains, notamment les Guelaïa de Melilla, émigrent volontiers: ils vont chaque année en Oranie, au nombre de 20.000 environ, porter le concours de leurs bras à l'époque des moissons et reviennent passer l'hiver chez eux. C'est au contraire, un établissement définitif que recherche le Rifain qui émigre dans la région de Tanger où ses services sont très appréciés. On le considère comme un peuple industrieux, énergique et intelligent, susceptible de donner toute sa mesure lorsque l'Espagne, échappée enfin de ses « presidios », rochers stériles battus par les vagues et les balles, trouvera la possibilité de le faire bénéficier de la civilisation européenne.

COLONISATION

Car la colonisation espagnole ne dépasse guère encore les remparts des villes du littoral. L'EsESPAGNOLE pagne s'accroche soit à ses villes, dites « de souveraineté », comme Ceuta (20.000 habitants) admirablement placée à l'entrée du Détroit de Gibraltar, et Melilla (45.000 habitants) dont on veut faire un grand port commercial et industriel, soit aux villes de la « zone de Protectorat» telles que Tetouan (19.200 habitants), capitale politique et siège du Haut Commissariat, Nador (2.750 habitants), et les << presidios » des Zaffarines, d'Alhucemas (450 habitants), de Velez (450 habitants) surtout utilisés comme lieux de déportation. L'ilot de Peregil, en face de Ceuta, n'est pas habité.

Cependant cette zone d'influence espagnole n'est pas, comme

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