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La dépression du Sebou

Au sud du Rif et des Djebala, un long sillon, orienté d'Est en Quest, établit une communication facile entre l'Algérie et l'Océan Atlantique. Faisant suite aux plaines du Maroc Oriental, la « dépression du Sebou » constitue une grande voie de passage mesurant dans les 400 kilomètres de longueur et offrant des largeurs variables. Les parties les plus resserrées de ce couloir se trouvent au centre du sillon entre les monts des Branès et des Riata, à hauteur de Taza, tandis que les extrémités s'élargissent pour former d'un côté près de l'Atlantique les plaines du Gharb et des Beni Ahsen et, de l'autre côté, au voisinage de la Moulouya, celles d'El Aricha et de Tafrata. Cette trouée est d'autant plus remarquable dans la géographie physique du Maroc qu'un des plus beaux fleuves de l'Afrique du Nord le Sebou y a creusé son lit.

LA STRUCTURE
ET LE RELIEF

Cette dépression, grand synclinal que les géologues appellent « détroit sud-Rifain parce qu'elle faisait communiquer autrefois la Méditerranée et l'Atlantique, est formée de dépôts secondaires et tertiaires qui s'étalent sans solution de continuité depuis l'amalat d'Oudjda jusqu'à l'Océan, entre les plissements du Rif et la région tabulaire jurassique qui s'appuie au Moyen Atlas. On y trouve de fertiles terres, dans les plaines des Beni Mtir et du Saïs par exemple, qui sont dues à l'émiettement de roches basaltiques rejetées par les volcans, érodées ensuite et véhiculées par les eaux. Le modelé physique de la région s'est naturellement ressenti des différents phéno

mènes géologiques, tel ce plissement concentrique des massifs littoraux, qui durant l'ère tertiaire, a provoqué le relief des assises jurassiques du Zerhoun, du Zalarh, de l'Outita et du Tselfat, ainsi que le relèvement des flancs du synclinal, chez les Branès et les Riata. Telles sont aussi les nouvelles fractures qui ont donné à la région tabulaire appuyée au Moyen Atlas, un aspect de large escalier dont les degrés s'élèvent de 500 à 1.500 mètres. Si bien qu'après ces efforts orogéniques la communication sud-rifaine s'est trouvée limitée, en dernier lieu, au Nord, par les Djebala et les flancs éocènes du Rif, au Sud par le plateau d'El Hajeb et les éperons septentrionaux du Moyen Atlas; à l'Est par la gada de Debdou, les Beni bou Zeggou et les Zekkara; à l'Ouest par la meseta marocaine. « Chose curieuse : l'entrée de ce détroit, du côté Atlantique, était dominée par deux monticules élevés : le Zalar de Fez, le Zerhoun de Moulay Idriss. Il semble que l'Hercule de la mythologie grecque ait voulu, en entr'ouvrant l'isthme qui réunissait les deux continents, entre les montagnes de Calpé et d'Abyla, rétablir les deux rochers imposants qui gardaient l'entrée du détroit de Fez; car il a placé au débouché de la Méditerranée occidentale les deux colonnes qui portent son nom, le Mont aux Singes sur la côte marocaine, le rocher de Gibraltar sur le rivage ibérique, en tous points comparables au Zerhoun et au Zalar » (Gentil) (1).

Cette vaste région du Sebou comprend dans son ensemble trois régions nettement déterminées : la trouée de Taza, les plaines et plateaux de Fès-Meknès, le Gharb et les Beni-Ahsen.

On peut englober dans la trouée de Taza la série de plateaux élevés de 450 à 500 mètres en moyenne qui s'étendent de la Moulouya à Fès. Ceux-ci ne sont en partie que le prolongement des plaines du Maroc Oriental, car ils comprennent d'abord la plaine désertique du Djell, située sur la rive gauche du fleuve, puis le plateau ondulé du Fahma, incliné vers les steppes oranaises auxquelles il ressemble et dont le dos peu accentué sépare les bassins respectifs de la Moulouya et

(1) L'histoire physique du Maroc, in Conferences Franco-Marocaines, t. I, page 303-304.

du Sebou. Le col de Touahart constitue «< l'ancienne ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et le bassin méditerranéen de la Moulouya » (Commandant Poirmeur) (1), car aujourd'hui la région tributaire de l'Atlantique s'étend un peu plus vers l'Est jusqu'à Redjem Zaza, entre l'O. Larbaa affluent de l'Innaouen et 10-Mçoun. A l'Ouest s'étend l'immense vallée de l'Innaouen, au pied de la cime majestueuse du Djebel Riata, musoir Nord du moyen Atlas.

Avec leurs dos de terrain et leurs dépressions peu enfoncées (200 à 300 m.) les plaines et plateaux de Fès Meknès ont un caractère de zone de transition entre la plaine du Sebou et le Moyen Atlas. Ces plaines, très étendues mais portant peu de cultures, comprennent les ondulations miocènes de la vallée du Sebou (Hedjaoua, Cherarda, Zerhana, Ouled Djamaa) dominées

par

les ilôts calcaires des Djebels Outita, Tselfat, Zerhoun et Zalarh (896 m.). Au pied des deux derniers, à des altitudes différentes, se groupent les deux grandes plaines du Saïs et des Beni M'tir, tantôt recouvertes d'une couche arable d'épaisseur variable et tantôt couvertes de palmiers nains d'asphodèles et de faux-fenouil. Au delà, dans la direction du Sud-Est, s'étage un système de plateaux jurassiques à pente quasi-insensible. Sauf le ressaut bien marqué de la falaise El Hadjeb-Sefrou, qui borne la plaine du Saïs, on s'élève sans s'en apercevoir de Fès (387 m.) à la vallée du Guigou (1.200 m.). Ces plateaux sont séparés par des vallées parfois profondes comme celle du Tigrigra (1.000 m.) et portent à leur surface quelques dayas (marécages). Dans cette région où les phénomènes volcaniques ont laissé de nombreuses traces, on rencontre beaucoup de cratères anciens. « Entre l'Ari Boudaa et le Guigou se dressent de beaux cônes volcaniques, souvent ébréchés par les torrents de lave qui en sont sortis et qui forment actuellement la plaine. Ils rappellent, par leur état de conservation, les plus beaux volcans de la chaîne des Puys, en Auvergne. Et il est curieux de voir au fond de ces cratères actuellement éteints, abrités contre les

(1) La porte du Maroc vers l'Algérie in Bulletin de l'Afrique Française, 1917, Sup. 12, page 226.

du Sebou. Le passage dans ce dernier bassin s'effectue par Taza vents chauds du Sud, de beaux chènes, des cèdres majestueux » (1). La région vraiment montagneuse commence à la vallée du Guigou qui borde la chaîne du Fazaz (Moyen Atlas). Aux plaines mamelonnées de la région de Fès-Meknès succède jusqu'à l'Atlantique une nappe limoneuse qui, arrosée par le Sebou, prend sur la rive droite le nom de Gharb, sur l'autre celui de Beni Ahsen. Cette plaine alluviale forme l'aboutissement, sur l'Océan, de la grande voie qui, d'est en ouest, traverse le Maroc. « Le Gharb est un pays de plaines, mais ce n'est pas un pays plat: dans sa partie occidentale, le relief est légèrement strié d'endulations harmonieusement modclées, mais qui n'en accentuent pas moins les dépressions des rivières et des ruisseaux; dans sa partie orientale, les mouvements du terrain s'affirment plus encore et se traduisent même en un fouillis de mamelons et de collines que dominent le Djebel Sarsar (800 m.), le massif des Masmoudas et, à un degré plus modeste, le Djebel Kourt. La portion méridionale, enfin, revêt le facies d'une plaine basse très légèrement inclinée vers le Sebou et formant soudure avec l'immense plaine alluviale des Beni Ahsen, dont la forêt de Mamora délimite le développement vers le Sud >> (2). Au centre du Gharb se trouve le Koudiat el biban (la colline des portes), de faible altitude, mais important par sa situation au point de jonction des routes de Tanger, Larache et Fès. Quant à la région des Beni Ahsen elle est tantôt pauvre en culture lorsqu'elle est constituée par les marais, mais riche en bétail, tantôt très fertile aux approches des rivières, où le terrain se relève et forme une zone de cultures très importante. Sa partie méridionale est occupée par la grande forêt de la Mamora (3).

(1) L. Gentil. L'histoire physique du Maroc, page 297.

(2) Malet. Les Ressources agricoles du Maroc Occidental, in Conférences franco-marocaines, t. I, page 189.

(3) Elle mesure une superficie de 130.000 hectares. Le terrain sableux supporte un peuplement de chênes-lièges en mélange sur certains points avec le poirier sauvage. Le sous-bois est constitué par un tapis herbacé mélangé d'espèces sous-ligneuses, ne gênant en rien la circulation. L'aspect général de la forêt est celui d'un immense parc.

LE CLIMAT
ET LES
FLEUVES

Taza lent,

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La dépression du Sebou connaît plusieurs variétés de climat.

Dans la partie orientale qui s'arrête au Redjem Zaza, le pays est soumis aux températures d'Oranie. M'çoun, par exemple, est chaud et sec en été et froid en hiver. Au contraire, par la quantité d'eau qu'elles reçoivent et Meknès sont de régime nettement atlantique et recueilcomme un entonnoir, les courants humides venant de l'Ouest par les vallées, courants que condensent les écrans du Bif et de l'Atlas. La moyenne des pluies est annuellement de centimètres et même de 80 à 90 centimètres, à Taza, où alles tombent principalement, de janvier à mars. Mais en juillet et août, un vent d'est brûlant monte jusqu'à Taza (46° et 50°) des plaines embrasées de la moyenne Moulouya et l'influence des vents surchauffés appelés chergui se fait sentir même à Fès et à Meknès (44°-45°), où l'hiver la température descend cepen2o et 3o. Ces extrêmes sont heureusement assez rares, car la température moyenne n'est que de 19o à Fès, sise par 476 mètres d'altitude, et de 18° à Meknès à 495 mètres (1). Sur les plateaux des Beni M'guild le climat est plus rude: si en été le thermomètre monte à 39 et 40°, en hiver on note à El Hadjeb, par 1.050 mètres d'altitude, des températures de -4° et celles-ci s'abaissent encore jusqu'à 12o à Anoceur, Ifrane ou Ito. Les pluies y sont très violentes et la neige tombe en grandes masses à partir de Mesdou.

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Les plaines du Sebou occidental sont assez bien arrosées; il y tombe encore de 50 à 60 centimètres d'eau en une centaine de jours, mais la température y est modérée par le voisinage de l'Atlantique : le thermomètre, qui ne descend pas au-dessous de 0o, ne s'élève pas à plus de 35o environ sauf lors des vents de siroco qui élèvent la température à 49°. Il en a été ainsi à Petitjean et à Mechra bel Ksiri en 1915. Ce sont là des exceptions et d'une façon générale les conditions du climat sont extrêmement propices au peuplement européen dans la région (2).

(4) Température moyenne minima : 120 à 13o.
(2) Température moyenne maxima: 230 à 240.

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