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Un bassin fluvial donne au détroit sud rifain sa vraie physionomie c'est celui du Sebou qui fait suite à celui de l'Oued Mçoun, affluent de gauche de la Moulouya, né dans le Rif, chez les Gzennaia. Mais autant ce dernier, aux rives désertes ou occupées passagèrement par les nomades, ne peut servir utilement, en raison de son régime et de ses eaux qui seraient salées, d'après de Foucauld (1), au développement économique du plateau du Fahma et de la plaine de Djell; autant est important à ce point de vue l'Oued Sebou que les Romains ont qualifié autrefois de magnificus et navigabilis. Sur les rives du premier s'est fondé un poste militaire, Kasbah Mçoun; sur les berges du second se créent des villages de colonisation encore en voie de formation.

Le Sebou appartient, comme les autres fleuves du versant atlantique, à un même type de rivières permanentes à quelques particularités près: hautes berges taillées dans la terre argileuse des plateaux, large lit de sable, crues d'hiver donnant un flot boueux et profond, parfois d'une extrême violence, barre d'embouchure infranchissable aux gros navires. Sa vallée comprend deux régions se ressemblant peu, mais l'une et l'autre d'une grande richesse. Long peut-être d'environ 800 kilomètres, il prend naissance dans une région encaissée du Moyen Atlas, d'où son cours, formé de l'Aïn Sebou et de l'Oued Guigou, devient sinueux et torrentiel. Large alors de 35 à 70 mètres l'Oued se dirige, sur une centaine de kilomètres, vers le nord-ouest jusqu'au Djebel Zalarh qu'il contourne, à une lieue de Fès, cité du IXe siècle placée à un carrefour de routes commerciales et longtemps demeurée la grande capitale de l'Empire. Cette vallée supérieure du Sebou, très montagneuse, est habitée par les grandes tribus indépendantes des Beni Ouarain, des Ait Youssi, des Beni Mguild, des Beni M'tir etc., qui cultivent admirablement les rives du fleuve, tandis que certaines fractions de ces tribus gardent les troupeaux sur la montagne ou soignent les abeilles.

Dans son cours moyen, le Sebou prend une direction sensiblement Ouest-Est et se grossit de l'Innaouen, descendu du

(1) Reconnaissance au Maroc, p. 379.

Souk

Djebel Riata et accru lui-même des eaux abondantes de l'Oued Leben dont la fertile vallée est gardée par le poste français de el Arba de Tissa. Il devient alors un fleuve de plaine jusqu'à l'Atlantique. Sa vallée très large (de 200 à 300 mètres) est bordée de collines plantées d'arbres fruitiers et de praioù l'abondance des séguias (canaux) favorise les cultures

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maraichères. En raison de sa pente qui est alors très faible, le Sebou, dont la profondeur ne dépasse pas 3 mètres, roule lentement des eaux bourbeuses comme celles du Tibre. Cepenil reçoit les apports de nombreux tributaires, dont les plus importants sont, sur sa rive droite, l'Ouergha, aux crues Soudaines, violentes et dont les eaux, coulant en vallées très ouvertes, drainent les pentes méridionales du Rif (1), et le Rdat; puis sur sa rive gauche, l'Oued Mikkès venu des hauts plateaux pour arroser les plaines de Meknès. Le Sebou s'écoule ensuite, 1'Océan, par de nombreux méandres dessinés dans les merdjas (marécages) de Marktane, des Beni Ahsen, d'ed Daoura; et grossi enfin des Oueds Rdom et Beth descendus, dans des gorges étroites, des plateaux calcaires du sud, il débouche, après avoir coulé au milieu de terres à céréales et de dunes, à la vieille Kasbah de Mehediya, à 17 kilomètres en aval du port fluvial de Kenitra récemment créé.

vers

Large de 300 mètres environ, et débitant en moyenne de 300 à 400 mètres cubes à la seconde, le Sebou inférieur roule en été 40 mètres cubes à l'étiage; mais ce débit s'élève à 2.000 mètres cubes et même 4.000 mètres cubes à l'époque des crues. Le pays est alors inondé sur une assez grande étendue et le niveau du fleuve varie en quelques heures de 0 m. 16 à 10 m. 30, tellement forte est alors la rapidité de son cours. Toute navigation devient impossible à pareil moment pour les petits chalands et les remorqueurs qui, calant 0,55, remontent jusqu'à Mechra bel Ksiri le reste de l'année. Les vapeurs calant 1,60 peuvent également aller jusqu'à Mechra bel Ksiri l'hiver, mais les navires d'un tonnage de 1.000 à 1.500 tonnes ne remontent régulièrement le Sebou que jusqu'à Kénitra, où les fonds sont

(1) Elles forment la frontière des zones franco-espagnole.

encore de 6 et 8 mètres. En amont, les eaux du fleuve, peu salifiées, se prêtent à l'irrigation des cultures, tout au moins jusqu'à 50 kilomètres de l'embouchure.

Le Sebou n'est pas la seule rivière de cette région. Le réseau hydrographique du pays comprend encore des oueds qui arrosent les plateaux du sud de Meknès et le littoral jusqu'au Loukkos. Chez les Beni Mtir et les Beni M'Guild, aussi, de nombreuses sources (Ain Blouz, Aïn Toto, Aïn Loula, etc.) donnent naissance à des cours d'eau qui coulent toute l'année, tels les Oueds Nja, Youdhi, Chejra, Ifrane, bou Fekrane, etc.. Sur la côte, l'oued Mda, sorti des Masmouda, se joint probablement à l'oued Cegmout, pour aboutir à la Merdja de Ras ed Daoura (1). Au Nord de ce marécage se trouve la lagune très poissonneuse d'Ez Zerga ou de Moulay bou Selham qui mesure 8 kilomètres de longueur sur 4 de largeur.

LA PRODUCTION
ET LES VILLES

Il y a peu de régions au Maroc dont l'impor tance politique et économique soit plus grande que la vallée du Sebou, non seulement du fait qu'elle est la grande artère du Nord, mais parce qu'elle est dotée de terres fertiles bien arrosées et qu'elle renferme des villes industrielles et commerciales comme Taza, Fès et Meknès. Aussi est-ce une des contrées du Maroc qui se développera le plus rapidement, quoiqu'elle ne soit pas d'égale valeur dans toutes ses parties.

Le couloir de Taza, intéressant pour l'élevage dans sa partie voisine de la Moulouya, habitée par les pasteurs Houara et les nomades Beni bou lahia, est également digne de retenir l'attention par les terres excellentes dont se composent les vallées de l'Innaouen, du Leben et les plateaux voisins. Celles-ci produisent

(1) Le ras ed Daoura est une lagune de près de 40 kilomètres de longueur et de 4 kilomètres de largeur au maximum. Il reçoit par l'Oued Mda toutes les eaux de la plaine et celles venant des montagnes d'Ouezzan. On se demande si l'oued Mda se perd dans les marais ou s'il se continue sous un autre nom. Certains pensent que l'oued Cegmout ne serait pas le prolongement de l'oued Mda, mais bien le tronçon d'un ancien bras du Sebou dont le cours se reconstituerait à l'époque des crues.

du blé, de l'orge, du maïs et se prêteraient même à la culture du coton, tandis que dans les jardins croissent des oliviers et des figuiers sous lesquels poussent melons, pastèques, courges et oignons. Taza (5.000 habitants) commande cette région peuplée de 260.000 habitants qui appartiennent à des tribus d'importance diverse. De mœurs sédentaires en général, mais toutes berhères de race et de langue, les principales d'entre elles comme les Riata, Branès, Houara, Meknassa, Tsoul, etc. n'ont pas encore fait leur soumission. Toute la région à l'Est de Taza se trouve en siba (révolte); dans le Sud, les Beni Ouarain sont encore en armes, et dans le Nord, nos postes militaires n'enferment qu'un millier et demi de kilomètres carrés. Les efforts que nos vaillanies troupes livicnt sans cesse pour dégager le couloir vont permettre à Taza de se développer et d'apparaître près de la frontière algéro-marocaine comme un grand centre d'échanges entre l'Est et l'Ouest et, sans doute aussi dans l'avenir, avec la Méditerranée par Melilla. On note annuellement dans la contrée un trafic de 40 millions de francs et une tendance des gens à venir s'établir à Taza où une ville nouvelle s'édifie au pied de la vieille ville indigène. « Centre géographique et commercial du territoire marocain, actuellement tête de ligne de chemin de fer et, dans l'avenir, étape forcée pour les voyageurs, point de transit pour les marchandises, centre d'approvisionnement pour la zone nord et sud que son territoire longe sur toute sa longueur Taza s'organise et s'installe » (1). Reliée à Oudjda (247 km.) par un petit chemin de fer stratégique, la ville le sera également bientôt à Fès par une voie ferrée qui empruntera la vallée de l'Innaouen (150 km.). Cette jonction se poursuit rapidement, en dépit de l'activité des insoumis et des grosses difficultés du terrain. Lorsque ce raccord sera achevé, le trajet Casablanca-Oudjda, qui exige actuellement cinq journées, pourra être effectué en quarante-huit heures. « Alors sera forgée la chaîne d'acier qui rivera solidement l'une à l'autre nos possessions de l'Afrique du Nord. Ce jour-là, mais ce jour

(1) El. Dechaud. Une mission commerciale au Maroc, p. 23.

à seulement nous serons vraiment les maîtres au Maroc, sans avoir à craindre aucun retour de fortune » (1).

La région de Fès-Meknès est mieux connue que la précédente. Ses plaines du Saïs, des Beni Mtir, des Ouled Djemaa et des Cherarda, aujourd'hui entièrement pacifiées, sont d'une belle fertilité et d'un grand rapport malgré les procédés routiniers des indigènes. Aux cultures automnales de blé dur et d'orge escourgeon succèdent les cultures printannières de sorgho, maïs, pois chiches, fèves, lentilles et dans les parties irriguées, le chanvre, le riz et les cultures maraîchères poussent admirablement. Les vergers des pentes du Tratt, du Zalarh, du Zerhoun sont renommés pour leurs olives, leurs raisins, leurs oranges et leurs fruits de toute espèce. Il en est de même de ceux de la charmante ville de Sefrou (7.200 hab.), enfouie dans ses jardins d'oliviers où résonne l'éternel murmure des eaux et qui s'enrichit de son commerce avec les tribus du Moyen Atlas et du Tafilelt. Sur les plateaux du Sud, aux terres plus maigres, et dans les hautes vallées, vivent de magnifiques troupeaux de bœufs et de moutons appartenant aux Beni M'tir et aux Beni M'guild, qui associent à l'élevage l'exploitation des bois de la montagne. Chênes verts et zéens, pins d'Alep, cèdres, peupliers, saules, ormes, etc. peuplent les belles forêts de Jaba, de Rabah el Bahar et de l'Ari Boudaa que nous commençons seulement à pénétrer. Avec leurs tapis de fougères et leur couvert épais, elles rappellent nos vieilles forêts de France.

C'est dans la plaine, où vivent 450.000 habitants environ, que se sont établies les deux vieilles villes musulmanes de Fès et de Meknès. La première, qui compte 106.000 habitants (2) est la capitale intellectuelle et religieuse du Maroc, en même temps qu'un grand centre commercial posté à l'intersection des routes qui vont de l'Algérie à l'Océan et de Tanger au Tafilelt. Du fait de cette situation Fès est devenue le marché le plus important du Maroc : il est fréquenté de tous les points du

(1) A. Bernard, La France au Maroc, no 139 des Annales de Géographie, (2) Dont 855 Européens sur lesquels 300 Français.

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