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houle de l'Atlantique. Aussi constate-t-on que sous ce travai d'érosion continue, la falaise recule sans cesse devant l'Océan. Déjà la partie submergée constituerait un vaste plateau sousmarin de 100 kilomètres de largeur. La ligne de fonds de 200 mètres est proche de la côte et celle-ci plonge ensuite à 1.000 mètres; au delà elle se relève pour soutenir les plateaux des Açores et des Canaries. Et comme pour protéger davantage encore ces rivages inhospitaliers, l'accès du littoral est défendu par la barre que produisent des cheminements de sable juxtaposés à des rencontres de courants fluviaux et marins qui s'effectuent dans des conditions encore assez mal connues (1). Fort heureusement pour cette côte mal abritée, les raz de marée, dus à des dépressions du Nord-Ouest qui passent sur l'Océan, sont peu fréquents: le dernier en date est celui de l'automne 1913 qui occasionna des dégâts importants.

Doit-on s'étonner, dès lors, que le Maroc, mieux fermé que par une muraille de chine tant du côté de la terre que du côté de la mer, ait pu se soustraire, jusqu'à ces dernières années, aux influences extérieures ? Non assurément, quand on veut réfléchir que la nature a accumulé des remparts puissants autour du vieux Maghreb et il est frappant de voir que les rivages, qui en d'autres pays, jouent un rôle actif dans la vie nationale, ont été ici un isolant au premier chef. Car les villes qui ont réussi à se créer dans les hâvres comme Fedalah, Casablanca, Mazagan, Safi ou sur la rive gauche, à l'estuaire des fleuves, comme Mehediya, Rabat, Azemmour, n'ont guère acquis d'importance dans le passé, du moins dans celui que nous connaissons par l'histoire. Comment d'ailleurs sans l'intervention de l'homme, auraient-elles pu lutter contre ces mauvaises conditions naturelles, qui menaçaient constamment de s'aggraver, ainsi que le

(1) Le long de la côte Atlantique, le courant porte nord-sud parfois assez violent. Ce courant serait primitivement formé par une branche du gulf stream qui, après avoir longé les côtes du Portugal et créé ce qu'on appelle le grand courant des Canaries, se décompose sur les côtes de Méditerranée en deux courants secondaires dont l'un forme le grand courant Nord équatorial et l'autre qui longeant la côte occidentale d'Afrique, forme le courant sud équatorial ». P. Bouteiller, La pêche au Maroc in B. S. G. M., no 4, p. 28.

prouve la marche continue des sables dans les estuaires marocains (1)? On ne doit pas être davantage surpris si l'aménagcment des ports nécessite des travaux et des sommes considérables pour permettre leur adaptation au commerce maritime moderne.

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Cette contrée de prédilection, au climat doux, au sol fertile et bien arrosé, sur lequel se succèdent cultures et pâturages, a de tout temps attiré les envahisseurs qui par leurs croisements avec les autochtones de la plaine ont tellement mélangé les races, qu'aujourd'hui nous y trouvons établie une population indigène mixte formée d'éléments arabes et berbères. A celle-ci sont venus s'ajouter les Israélites puis les Européens qui, au cours du xixe siècle, et surtout depuis le début du xx° siècle ont émigré au Maroc.

LES

HABITANTS

De l'Oued Bou Regreg aux flancs occidentaux des Moyen et Grand Atlas, vit une population indigène estimée à 4 millions 1/2 d'habitants, répartis de la façon suivante. Les plaines au Nord du Tensift contiendraient 1.260.000 individus tandis que dans la région de Marrakech et des Haha-Chiadma il y en aurait plus de trois millions. Il est vrai que ces statistiques, en ce qui concerne Marrakech, contrée imparfaitement connue, doivent être acceptées avec réserves. Cette répartition de la population est assez curieuse, puisque ce sont précisément les plaines qui sont les plus étendues et les moins chaudes qui comptent le moins d'habitants. Si on admet en effet pour les plaines sises entre le Regreg et le Tensift, une superficie approximative de 40.000 kilomètres carrés, on n'obtient qu'une densité moyenne de

(1) Leur action a été mise en relief par l'Ingénieur Pobéguin. « Les dunes en marche qui entraînent avec elles les embouchures des fleuves et par suite presque les villes; les barres sous-marines qui ne sont que des dunes submergées; tous ces sables mobiles qui semblent le jouet des éléments ne sont qu'une forme passagère et instable du continent africain qui, détruit par les flots, se reconstitue plus au Sud pour résister de nouveau » (Sur la côte Ouest du Maroc, p. 33).

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population de 31 habitants au kilomètres carrés, tandis que le Haouz de Marrakech, y compris les Hahd Chiadma en posséderait 162 (1). Il est à noter d'autre part, que sur les 4 millions 1/2 d'habitants, 350.000 environ représentent la population urbaine, soit 13 0/0 seulement.

L'élément musulman constitue le fond de la population tant urbaine que rurale. A la campagne la population est groupée en tribus (kabilas) sous l'autorité de caïds et vit du produit de l'agriculture et de l'élevage. Très attachés à leurs terres, les indigènes la cultivent soit seuls, soit à l'aide d'associés (khammes), suivant les ressources dont ils disposent ou l'importance de leurs biens. On peut dire que depuis notre arrivée au Maroc qui a ramené la sécurité dans les plaines, la misère ne sévit plus qu'aux années, heureusement rares, de sécheresse. Elle est même en voie de disparition par suite du développement des sociétés de prévoyance indigènes que le gouvernement français a instituées. Le bien-être commence à se répandre en tribu, par suite de l'intensification des cultures, du développement de l'élevage et des bons prix payés par les acheteurs pour les produits du bled. A l'heure actuelle, 1 million 1/2 d'hectares sont cultivés sur les 6 millions d'hectares qui constituent la superficie des plaines du Maroc Atlantique. Mais étant donné que la propriété individuelle est très morcelée, que les forêts et les marécages occupent de grandes étendues, que les terres de parcours, nombreuses, sont des biens collectifs, appartenant aux tribus, on voit qu'il reste en somme relativement peu de place pour la colonisation européenne. On ne doit pas s'étonner dès lors si l'Administration n'accorde pas comme en Algérie et en Tunisie des concessions de terres. Elle ne sera pas en mesure de le faire tant que les conditions économiques n'auront pas changé et c'est là, il ne faut pas le cacher, un des problèmes les plus angoissants qui se posent dans le Protectorat. C'est

(1) Nous nous sommes basé pour ces calculs sur les chiffres publiés par l'Annuaire Economique et Financier du Maroc qui s'est contenté en 1917 de donner des totaux pour chaque région sans indiquer les recensements par tribus et sans donner la superficie de chaque territoire. Aussi ne fautil accepter les rapports précédents que sous réserves.

à peine si en 1917 les Européens possédaient 130.000 hectares entre le Bou Regreg et Marrakech. C'est bien peu, surtout si l'on considère que la moitié des propriétés possédées comprend des superficies supérieures à mille hectares. Enfin, d'après les statistiques, la colonisation européenne paraîtrait pratiquement encore bien plus infime, puisqu'elle n'aurait encore guère mis en culture que 25.000 hectares. Mais ce que le Tertib qui sert à ces recensements ne dit pas, c'est l'importance qu'ont prises les associations avec l'indigène et qui, quoiqu'on pense, sont le seul modus vivendi intéressant pour l'instant. Certes, ce n'est qu'un moyen et non une fin. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il donne des résultats appréciés, notamment en élevage et qu'il est une étape pour ainsi dire obligée dans la voie de la colonisation.

Quant aux israélites, au nombre d'une cinquantaine de mille, ils sont établis dans les centres où ils s'occupent de commerce, de change d'argent, voire même de vente et d'achats de terrains urbains. Par leur connaissance de la langue et des coutumes du pays, ils constituent actuellement des intermédiaires indispensables pour les maisons de commerce nouvelles, sans compter que certains d'entre eux sont des gros commerçants solidement établis qui ne demandent qu'à traiter des affaires avec les Européens.

L'AGRICULTURE

ET L'ÉLEVAGE

Les grandes plaines du Maroc Occidental ne se présentent pas partout avec les mêmes caractères. Au point de vue de leur mise en valeur, on peut les diviser en quatre zones principales, à savoir une région boisée chez les Zaër, un ensemble de grandes plaines dénudées dans le Maroc Central, une région d'irrigation dans le Haouz de Marrakech, une zone forestière chez les Chiadma de Mogador.

L'hinterland de Rabat est occupé en partie par les restes d'une grande forêt de chêne-liège et de thuya qui couvre encore, mais en plusieurs tenants, une superficie certainement supérieure à 70.000 hectares. Ce sont les boisements des Zaër (16.000 hect.), des Sehoul (8.000 h.), d'Aïn Kreil (7.900 h.), de Maarif (5.000 h.), de N'kreila et des Bou Azine (5.000 h.), de

Camp Boulhaut (12.000 h.); ils descendent en Chaouia jusqu'aux M'dakra qui possèdent une forêt de 20.000 hectares. Il est superthu de dire que les colons ont jeté leur dévolu sur ces régions boisées aux arènes granitiques légères où, en association avec l'indigène, ils se livrent à l'élevage du porc et des chèvres, tandis que chez les Zemmour on s'adonne de préférence à l'élevage du mouton, dont la laine rosée a acquis une certaine réputation. Les terres plus fortes et plus fertiles sont utilisées pour les cultures annuelles et les vergers: le blé et l'orge sont prédominants aussi bien dans le Sahel de Rabat-Salé que dans les hamri de la vallée de l'O. Grou ou que dans les iirs voisins des Chaouia. Il existe également de très bonnes terres alluvionnaires de chaque côté du Bou Regreg d'une superficie de 2.500 hectares environ, et que les indigènes désignent sous le nom <«< d'Ouldja ». Il est vraisemblable qu'elles seront transformées bientôt en jardins maraîchers et fruitiers, pour le plus grand profit de Rabat-Salé. Enfin, sur la côte, entre Rabat et Bou-Znika, les indigènes cultivent du maïs, de l'orge et des pastèques; mais M. Malet pense qu'il sera possible d'y planter des essences fruitières, du sumac, du ricin, du géranium à essence et de l'agave textile (1). Les villages de Monod, Tiflet, Khemisset, N'kreila, Marchand, Christian, Bataille, qui ont été créés lors de l'occupation seront, par leur situation sur les routes de Meknès, de Casablanca et du Tadla, des centres agricoles et commerciaux intéressants.

C'est surtout avec les Chaouïa (12.500 km2), les Doukkala (7.200 km2), les Abda (3.500 km2) et le Tadla que l'on se trouve dans la zone fertile du Maroc, celle qui est réputée pour ses excellentes terres silico-calcaires, hamri rouges ou tirs noirs, produites par la désagrégation et la décalcification des terrains calcarifères ainsi que la décomposition de la flore herbacée qui croft sous ce climat humide. Ces terres fortes, bien que manquant en général d'acide phosphorique et de chaux, se prêtent à la grande culture: blé dur, orge, maïs (2). Les tirs couvriraient

(1) Les ressources agricoles du Maroc Occidental; in Conférences franco. marocaines, t. I, p. 194.

(2) Les récoltes sont très belles dans ces plaines qui passent, à juste titre,

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