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donné de résultats concluants. Par contre le ricin sanguin y est très bien venu. Tout autour de Marrakech se trouvent quelques petites villes encore peu connues des Européens: Amizmiz, Tamesloht, Sidi Rahal, Demnat, el Kelaa. La colonisation s'est peu développée jusqu'ici dans la région de Marrakech et les Européens ne font d'affaires agricoles que par association avec les indigènes.

Avec les Haha Chiadma nous entrons dans une région spéciale, celle de l'arganier et du thuya qui s'étend jusqu'à 45 kilomètres de la côte. Encore peu parcourue par les Européens, comme la région de Marrakech dont elle relève administrativement, elle est cependant intéressante par son commerce d'amandes, de peaux de chèvres, d'œufs, de gomme sandaraque et de cire brute. L'huile d'argan et le miel pourront donner lieu à d'actives transactions. Les olives également qui viennent du Sous. Les cultures maraichères, la vigne et l'élevage donneront d'excellents résultats dans les régions, au climat très doux, des Haha-Chiadma. Les plantes à essence, telles que le thym et la lavande y existent déjà en grandes quantités.

LES INDUSTRIES

Les indigènes bien avant l'arrivée des Européens connaissaient l'art de la transformation des produits. Mais ces industries indigènes qui dérivent de l'élevage et de l'agriculture étaient presque toutes familiales. Les laines dont on fabrique des tapis épais et des tissus fins (haiks, djellabas, etc.) sont lavécs, peignées, filées, teintes, séchées puis travaillées à domicile, dans les maisons ou sous les tentes. C'est par contre, dans les ateliers des villes que les cuirs rouges et jaunes sont transformés en babouches, sacoches, harnachement etc. si appréciés en tout pays musulmam: Rabat, Marrakech, Safi, sont pour ces articles des centres industriels indigènes importants. Les spécialités de Salé et de Mogador portent sur le travail du bois : l'arar y est employé pour l'ébénisterie. Marrakech et Mogador également ont acquis une certaine réputation pour leurs cuivres, leur bijouterie et leurs armes; mais il faut souvent fournir la matière première au maalem (ouvrier). Les terres de la plaine, riches en argile fine

et surtout en pierres à chaux et à plâtre, ont permis à l'industrie de la poterie de se développer, notamment à Safi où elle était autrefois parvenue à un assez haut degré de perfection. Il n'en est pas de même de l'exploitation des salines du lac Zima, du Bou Regreg et de « l'Ouldja », de Mazagan qui a toujours été rudimentaire. Les indigènes tirent un meilleur parti du jonc et du palmier nain, dont ils fabriquent des nattes, couffins, tellis, etc.. Notons enfin les petites industries locales de la mouture du grain par des tah'ouna, de la fabrication des huiles. d'olives et d'argan, des pains de cire, etc..

A côté de ces industries exclusivement appropriées aux goûts et aux usages du pays se développe l'industrie moderne commandée par les besoins de la colonisation européenne qui est très prospère. Les Européens ont, en effet, monté quelques usines sur la côte. A Casablanca, on trouve des industries se rattachant au bâtiment chaux, ciment, briquetterie, construction manufacturée ; au travail du bois et de la métallurgie : scieries, menuiseries, constructions en fer, mécanique; à l'alimentation: minoteries, pâtes alimentaires, distillerie, glace, eaux gazeuses, frigorifiques, etc. et des industries diverses: imprimeries, crin végétal, équarissage, etc.. Il existe par ailleurs, une tannerie et des briquetteries à Rabat, une usine de pêche à Fedalah, une usine de crin végétal à Mazagan, deux huileries à Marrakech et des minoteries en divers points de la région. Mais le sous-sol, dans lequel on pense trouver des gisements métallifères et des phosphates, n'a encore fait l'objet d'aucune exploitation (1).

LES VILLES

ET LES COMMUNICATIONS

La richesse de la plaine a amené l'éclosion de petits centres où se troquent chaque année, pour plusieurs millions de francs, les produits du sol contre les marchandises d'Europe. Mais c'est surtout sur

la côte où des ports sont en construction que s'est centralisé le commerce. Les villes les plus importantes de cette région sont:

(1) Au Nord d'El Boroudj, on a relevé la présence de phosphates sur une assez grande étendue (70 × 25 km.) et qui à l'analyse auraient révélé une teneur oscillant entre 50 et 60 0/0.

Marrakech dans l'intérieur; Rabat, Casablanca, Mazagan, Safi et Mogador sur la côte.

L'ancienne capitale du Sud, Marrakech (99.415 habitants) (1) a été fondée au XIe siècle par les Almoravides. Au milieu de la grande plaine du Haouz elle étale ses maisons cubiques et basses en terre rouge qui lui donnent une allure saharienne dans la verdure de la large oasis qui l'entoure. Rien que sa situation au pied de la chaîne neigeuse de l'Atlas lui promet un hrillant avenir touristique. Mais ce n'est pas toute sa ressource. Cité industrielle, où fleurissent les travaux d'art indigènes, notamment les cuirs et les cuivres, Marrakech est, en outre, le grand marché du Sud. A son célèbre souq el Khemis, marché du jeudi, se rencontrent les Marocains du Haouz, du Sous, du Tafilelt et de l'Atlas: ils ne craignent pas de parcourir de grandes distances pour venir y commercer. Le trafic annuel de Marrakech serait de 18 millions à l'exportation (2). Des pistes relient Marrakech aux cols de l'Atlas et de bonnes routes l'unissent à quatre ports de l'Atlantique : Casablanca, Mazagan, Safi et Mogador. L'organisation du pays, qui s'applique à des Arabes, comme les Rehamna et à des montagnards chleuh, d'esprit démocratique, est très curieuse : elle est féodale. C'est là qu'ont grandi, à l'époque contemporaine, les «< grands caïds du Sud » : les Glaoui, Goundafi et Mtougui, dont nous avons fait des artisans actifs de la paix française au Maroc méridional. « Ces caïds habitent d'importantes Kasbah en pierre, véritables villes, où habitent non seulement le caïd, sa famille, ses «< clients » dans le sens romain du mot, ses esclaves, mais encore dans les cours extérieures, des gens de passage, marchands ou paysans, venant exercer leur commerce ou régler leurs affaires. La grande occupation du caïd est de rendre la justice, de faire la guerre ou d'aller à la chasse qui se fait avec de grands lévriers (sloughi) et avec des faucons. On se croirait transporté en plein Moyen Age» (3).

(1) Dont 1.415 Européens sur lesquels 1.050 Français.

(2) De Perigny - Marrakech et les ports du Sud, p. 107.

(3) P. Lemoine, Le Royaume de Marrakech in La Géographie, t. XII, 1905, p. 25.

Cette organisation n'aurait jamais pu se maintenir à la côte si elle y avait existé. La fréquentation des gens des ports, le contact avec l'esprit du dehors, si faible pût-il être, sans compter l'anarchie endémique du bled ne pouvaient pas se concilier avec cette forme de gouvernement. Il faut plus de liberté au deminomade de la plaine qui apporte les produits du sol aux tajers (commerçants) des villes du littoral où de bonne heure, lesrares européens qui bénéficiaient des «< capitulations » les attirèrent. Et c'est ainsi qu'est né le commerce dans les ports. Rabat-Salé (58.000 habitants) (1), à l'embouchure du Bou Regreg, commandait autrefois le seul chemin sûr par lequel on se rendait à Fès ou à Marrakech. L'importance historique de cette double ville est attestée par de nombreux monuments anciens intéressants à visiter. Leur valeur actuelle résulte à la fois de ce que Rabat est le siège des services de la Résidence et de ce que l'industrie indigène et la colonisation s'y développent sous l'impulsion du Protectorat. Pour augmenter l'importance du port de Rabat-Salé dont la barre » défend l'entrée, des travaux doivent être exécutés, comprenant en sus des magasins, hangars, ateliers à construire sur les quais et terre-pleins déjà effectués, l'établissement d'ouvrages prévus pour l'aménagement définitif du port. Au premier rang est inscrite l'ouverture par dragage sur la barre du bou Regreg d'un chenal de 100 mètres de large ayant son plafond d'abord à 3 mètres puis à 4 m. 60 au-dessous des plus basses mers. Ces travaux, exécutés par une société française, aideront grandement à l'essor du pays. Ce port est malheureusement excentrique par rapport à la plaine du Sebou.

Casablanca (82.500 habitants) (2) devenue, à la faveur d'une immigration nombreuse et suivie, la métropole économique du Maroc Occidental, est le grand port des Chaouïa et du Tadla, le point d'escale principal des lignes de navigation de Bordeaux, de Marseille et de l'Algérie-Tunisie et deviendra, dans l'avenir, la tête des voies ferrées sur Marrakech, d'une part, sur le Tadla

(1) Dont 10.200 Européens sur lesquels 6.000 Français.
'2) Dont 37.500 Européens sur lesquels 21.000 Français.

et la montagne de l'autre, sur Fès, Oudjda et l'Algérie enfin. Le petit chemin de fer militaire l'unit déjà à presque tous ces points. Belle ville par la réalisation du plan de l'architecte Prost qui, en la divisant en magnifiques quartiers agrémentés de squares et de verdure, en fera une des plus agréables cités d'Afrique, << Casablanca la commerçante » se développera en raison des grands travaux qui lui assureront le plus beau port du Maroc.

Commencé en 1904 le petit port de Casablanca a été l'occasion en 1907 d'un déplorable événement qui a exercé une influence considérable sur les destinées de la ville: c'est le massacre par les indigènes de plusieurs ouvriers du port ce qui a été le prélude de la conquête de la Chaouïa et du mouvement d'immigration qui s'en est suivi depuis 1912. Base d'opérations militaires et débouché d'un arrière-pays fertile, il faut à la nouvelle cité un organe digne de son futur rôle et de ses vastes ambitions. Le gouvernement français l'a compris en prévoyant un crédit de 50 millions pour la construction d'un grand port. Ce n'est sans doute pas le crédit définitif. Le programme des travaux, actuellement en cours, comprend l'exécution de deux jetées d'une longueur respective de 1.550 et de 1.900 mètres et dont les bras distants de 250 mètres l'un de l'autre fermeront un mouillage de 140 hectares; de deux petites jetées séparées dans le grand port par une passe de 80 mètres et formant un petit port de 9 hectares 1/2 où des darses, 700 mètres de quais, 16 hectares de terre-pleins permettront d'effectuer en toute sécurité les opérations d'embarquement et de débarquement pour les bâtiments calant moins de 4 mètres. Certains terrepleins permettront d'autre part l'accostage à quai des navires calant jusqu'à 9 mètres. Lorsque ce port sera terminé, il pourra satisfaire à un trafic de 1.500.000 tonnes. C'est six ou sept fois son trafic actuel et bien que l'activité commerciale de Casablanca soit intense, l'achèvement de cet outillage aura pour effet d'accroître ses relations déjà si bien amorcées avec les pays d'outre mer. Visité avant la guerre par plus de 700 navires par an, le port a connu un mouvement commercial de 242.000 tonnes. Aujourd'hui malgré les circonstances son trafic maritime dépasse 140 millions de francs.

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