Images de page
PDF
ePub

les Offices économiques institués dans les principales villes du Protectorat, et surtout l'Office du Protectorat de la République française au Maroc à Paris sont harcelés par des milliers de demandes de futurs colons. Le plus grand nombre de ces candidats vient de l'armée de jeunes hommes, fortifiés par les leçons de la guerre, veulent se créer dans cette France nouvelle une vie plus libre, plus large, plus fructueuse aussi. Le flot des sollicitations monte chaque jour. Il a depuis longtemps dépassé la capacité d'absorption du Protectorat,

créé, ne

l'oublions pas, en 1912 seulement et qui n'a pas connu trois années de vie relativement normale et aux limites duquel les groupes mobiles continuent leur âpre mission de surveillance, de pacification et de répression.

Le Maroc trouve dans ce mouvement une chance unique de recruter pour son avenir un élément solide de bons colons. Il sura la saisir. Mais il faut aussi qu'il évite les déceptions qui ont suivi la ruće de 1901 et celles de 1907, de 1912 et de 1913. Le colon qui réussit édifie sa fortune sans bruit et quand il rentre dans la métropole, son histoire est finie: on n'entend pas, on n'entend plus parler de lui. Mais le colon qui n'a pas réussi, quel puissant agent de contre propagande! De son échec il fait remonter les causes à l'Etat, à la colonie, à l'administration, aux autres colons, à tous, sauf à lui-même qui souvent s'est mis en route sans solliciter ou sans écouter les avis de l'expérience et les conseils de la prudence! Il remplit de ses récriminations les colonnes des journaux, le courrier ou même les discours des parlementaires, les antichambres des Ministères, souvent même le greffe du Conseil d'Etat!

A ce danger le remède est simple.

L'heure est venue de faire en profondeur la propagande marocaine qui a été admirablement faite en étendue par les groupements coloniaux et géographiques, par la presse, par les organes administratifs et surtout par les événements eux-mêmes.

Evitons les émigrations mal préparées qui ne peuvent aboutir qu'à des retours désespérés ou à la formation d'un prolétariat malchanceux et aigri. Bien des candidats à l'émigration seront à leur place dans la France métropolitaine et n'auraient que

faire au Maroc : il faut avoir le courage de le leur dire et ce sera leur intérêt autant que celui de la colonie.

Au contraire, attirons par tous les moyens, même ceux de la publicité moderne, les hommes d'action et de labeur, agriculteurs, commerçants, industriels, dont l'énergie, l'expérience ou les capitaux, féconderont à côté de l'indigène et en collaboration avec lui, la terre fertile du vieux Moghreb.

C'est à ce but que répondent les organes créés à Paris et au Maroc par le général Lyautey pour « faire la liaison » entre le public français et le Protectorat : cette organisation, quoiqu'elle soit récente et qu'elle doive se modifier pour s'adapter aux mouvements mêmes de l'essor colonial du Maroc, est déjà assez bien outillée pour qu'il n'y ait plus d'excuse à l'audace imprudente de celui qui se rendrait au Maroc sans s'être entouré d'avis, de conseils et de renseignements.

C'est à ce but aussi que répondent des ouvrages tels que celui qu'on va lire. La littérature marocaine est aujourd'hui abondante, précise, documentée. Il y a quinze ans son bagage était bien léger. Le futur colon d'aujourd'hui n'est embarrassé que par le choix qu'il doit faire entre les ouvrages de ces dernières années et dont plusieurs sont en quelque sorte devenus classiques.

Celui de M. J. Goulven a été établi sur des bases nouvelles. L'auteur a fait partie de l'administration du Maroc dans des postes où il a assisté de près à l'arrivée des futurs colons. Il a connu leurs premières questions, assisté parfois à leurs tentatives malheureuses, enregistré aussi leurs succès. Il a voulu condenser dans ce volume les renseignements qui doivent guider le Français qui s'établit au Maroc. Il a su leur donner une forme plus vivante que celle qui doit être de style dans les guides ou les annuaires. Tout ce qu'il dit notamment des ressources économiques est la mise au point, à l'été de 1919, de ce que doit savoir le Français qui veut se garder contre les déboires de l'inexpérience.

Je souhaite à ce livre des éditions successives et nombreuses puisque leur mise au point correspondra à de nouveaux progrès de la colonisation au Maroc. Mais que l'auteur y conserve tou

jours les pages où il souligne la part que le Maroc a prise à la Victoire par ses soldats et par ses productions et celles où il montre la colonisation française au Maroc progressant, depuis 1912 et surtout pendant la guerre, à l'abri des postes et des colonnes qui, là-bas, ont maintenu et maintiennent encore, par une abnégation et des sacrifices de tous les jours, l'armature et l'existence même de notre jeune colonie dans la paix ! Et qu'il ne craigne pas de redire que le Maroc est ouvert non pas aux spéculateurs de fortunes rapides, aux « conquérants indésirables », mais aux jeunes énergies françaises, aux hommes de labeur et d'expérience, aux capitaux fertilisateurs, à tous ceux qui veulent prouver que la qualité dominante des colons français de l'Afrique. du Nord, c'est le travail.

Ces colons, le Maroc français les voit déjà à l'œuvre, il en appelle d'autres, il les attend, il les aura.

AUGUSTE TERRIER.

PREMIÈRE PARTIE

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE MAROC

« PrécédentContinuer »