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LIVRE DEUXIÈME.

LA PACIFICATION UNIVERSELLE.

On fait la guerre avec son capital.

MONTESQUIEU.

Laissons le commerce aller et venir à l'aise : d'homme à homme, il a fondé les familles; de famille à famille, il a fondé les peuples; de peuple à peuple, il fondera l'unité du monde.

MIRABEAU.

Qu'est-ce que la guerre? Un métier de barbare, où tout l'art consiste à être le plus fort sur un point donné. NAPOLÉON, 6 septembre 1812. Tant qu'on se battra en Europe, ce sera une guerre civile. NAPOLEON, Mémorial de Ste.-Hélène. L'ère des peuples est venue reste à savoir comment elle sera remplie. Il faudra d'abord que l'Europe se nivelle dans une même existence. CHATEAUBRIAND.

La guerre est un risque.

Ce risque n'existe pas par lui-même comme le risque de naufrage ou d'incendie; il n'existe que parce que l'homme l'a créé.

Il équivaut en moyenne à trois dixièmes de la dépense ordinaire des États (1).

Qu'y a-t-il à faire pour l'écarter et l'anéantir?

Ce qu'il y a de plus simple: s'assurer contre lui.
Comment?

En proposant à toutes les nations qui fléchissent sous le poids de la paix armée, de contracter entre elles une assurance spéciale contre le risque de guerre territoriale et maritime.

La France prend cette initiative et donne l'exemple.

Elle appelle à s'unir successivement à elle contre le risque de guerre tous les États qui aspirent à pouvoir réduire et à finir par éteindre l'exorbitante dépense de leurs armées permanentes.

Plus le nombre des États qui seront parties contractantes tendra à grossir, plus le risque tendra à s'affaiblir: par suite, plus la prime à payer sera faible.

De faible qu'elle serait relativement, elle deviendrait absolument nulle si l'assurance contractée parvenait à comprendre et à unir ainsi tous les États qui composent l'ancien continent.

Rien de plus facile à démontrer.

De toutes les puissances de l'ancien continent, une seule, depuis la chute de l'empereur Napoléon, une seule empêche la paix de s'affermir et de se transformer en régime définitif, au lieu de n'être qu'une trêve dispendieuse; une seule inquiète tous les autres peuples dans la conservation de leur indépendance et de leur nationalité : c'est la Russie.

Tous ont devant les yeux les membres palpitants de la Pologne.

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Ce risque qui impose à l'ancien monde une dépense annuelle égale au tiers de la totalité de ses autres dépenses peut être exactement calculé et traduit en chiffres: La Russie entretenant une armée de 000,000 hommes et une flotte à voiles ou à vapeur de 00,000 canons, entretenir proportionnellement à frais communs une armée et une flotte, au moins égales en forces;

Si la France est seule sur l'ancien continent pour tenir la Russie en équilibre et en respect, la France sera seule pour subvenir à la dépense et pour en porter l'énorme poids; mais si l'Angleterre s'unità la France dans la même pensée de pacification, déjà cette

dépense étant partagée entre les deux nations pèsera moitié moins; elle pèsera moins encore et toujours de moins en moins si la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Autriche, la Prusse, la Saxe, le Danemark, le Wurtemberg, la Bavière, la Turquie, etc., signent successivement au contrat d'assurance contre le risque de guerre, contrat dont l'initiative aura été prise par la France.

Enfin cette dépense disparaîtra entièrement si la Russie, ellemême, quoique attardée au cadran de la civilisation, reconnaît que le temps est passé de la guerre et de la conquête; que le temps est venu de la paix et de l'échange; qu'il ne s'agit plus de conquérir et de conserver, mais de produire et de consommer; que l'argent employé à solder des armées permanentes ne sert qu'à recruter l'armée de la misère; qu'à rendre plus lourd encore le lourd fardeau que portent les travailleurs; qu'à augmenter le prix de revient de tous les objets de consommation et qu'à diminuer ainsi le nombre des consommateurs, lorsque l'augmenter devrait être le but constant de tous les efforts judicieusement dirigés.

La guerre est donc un risque qui, après être devenu déjà de plus en plus rare, tend à devenir encore de moins en moins probable et enfin à rentrer dans le néant d'où la guerre n'aurait jamais dû sortir.

La paix permanente succède à la guerre intermittente; l'unité de l'ancien continent, détruite par la guerre, se rétablit par la paix. Le monde ancien fait place au monde nouveau.

Tous les rapports se simplifient en même temps qu'ils se multiplient.

Ce qui était problème devient solution, ce qui était obstacle devient moyen, ce qui était force de résistance devient force de propulsion.

Les hommes sont l'œuvre de la création, mais les peuples sont l'œuvre de la conquête.

Si la Guerre n'avait jamais existé, il n'existerait pas de Nations. Les nations sont filles de la Guerre.

En effet, une nation n'est qu'un faisceau d'habitants unis par la

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